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Protection des civils

  • Les soldats de la paix de la MINUSS aident les civils déplacés en fournissant une protection, en construisant des installations sanitaires et en fournissant un soutien médical
Les conflits armés font de plus en plus de victimes parmi la population civile. Aussi, le Conseil de sécurité a-t-il chargé plusieurs opérations de maintien de la paix de mettre les civils à l’abri de la violence.

Au milieu des années 1990, les Casques bleus se sont retrouvés déployés dans des conflits internes, dans lesquels la population civile était fréquemment la cible d’attaques. Des missions telles que la MINUAR au Rwanda et la FORPRONU en ex-Yougoslavie ont été confrontées à des attaques systématiques contre des civils que les Casques bleus n’étaient pas préparés à affronter. Ces conflits, ainsi que ceux en Somalie, en Sierra Leone et au Timor oriental, ont vu des groupes armés cibler des civils, notamment par l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre et de graves violations des droits de l’enfant.

Le Conseil de sécurité a donc inscrit la protection des civils à son ordre du jour et a élaboré une architecture de résolutions renforçant le rôle des Casques bleus en matière de protection. Les mandats et les règles d’engagement ont été définis de sorte que les Casques bleus aient le pouvoir d’agir. Le Conseil a également adopté des résolutions visant à établir des cadres pour se pencher sur la question des enfants dans les conflits armés et les violences sexuelles liées aux conflits.

C’est toujours aux États qu’incombe la responsabilité première de protéger leurs propres populations. Le premier rôle des Casques bleus est d’aider les gouvernements à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection par des conseils, un soutien technique et logistique et le renforcement des capacités. Les missions de maintien de la paix cherchent également, par le biais des bons offices politiques et de la médiation, à adopter une approche préventive pour la protection des civils. Cela dit, de nombreux Casques bleus sont autorisés, en dernier recours, à agir pour protéger physiquement les civils.

Plus de 95% des Casques bleus sont aujourd'hui chargés de protéger les civils

Cela inclut la protection des enfants et la protection contre la violence sexuelle liée aux conflits. La grande majorité des Casques bleus servent aujourd’hui dans des missions dont les mandats donnent la priorité à la protection des civils. Le Groupe de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix [LINK] a constaté que la protection des civils est une obligation fondamentale de l’ensemble du système des Nations Unies, et pas seulement du maintien de la paix. Ces activités trouvent dans le travail des Casques bleus leur expression la plus visible. Les difficultés que comporte le mandat ont souvent trait au critère par lequel la communauté internationale, et ceux que nous essayons de protéger, jugent notre valeur en tant que Casques bleus.

Comment protégeons-nous les personnes touchées par un conflit ?

De nos jours, le maintien de la paix dispose d’un certain nombre d’instruments pour soutenir la protection des civils :

  • des dirigeants politiques s’engagent avec les gouvernements et d’autres acteurs à atténuer et à prévenir les conflits ;
  • des experts civils, y compris des conseillers pour la protection des enfants, des conseillers pour la protection des femmes et des conseillers pour la protection des civils, mènent des activités visant à démobiliser les enfants soldats, à persuader les groupes armés de renoncer à la violence sexuelle et à coordonner les opérations militaires pour protéger les civils ;
  • nos soldats et nos policiers mettent des compétences uniques au service de la sécurité et de la stabilité ;
  • les experts du renforcement de l’état de droit et des droits fondamentaux assurent en outre la création d’un environnement protecteur.

 

Un mandat difficile

Comme on peut s’y attendre d’une organisation qui sert de dernier recours en période de conflit et de crise, les Casques bleus sont confrontés à des défis et à des contraintes, en particulier en matière de protection des civils. Même les grandes missions de maintien de la paix déploient relativement peu de personnel par rapport à la taille du territoire et de la population. La MONUSCO, par exemple, déploie plus de 17 000 soldats et exerce sa mission dans un pays de plus de 82 millions d’habitants répartis sur plus de 2,3 millions de kilomètres carrés (soit un soldat pour 4 800 personnes et 135 kilomètres carrés). Ceci est aggravé par le fait que de nombreux pays où des Casques bleus sont déployés souffrent d’instabilité, souvent avec une infrastructure médiocre et des services de sécurité locaux limités. Pour les missions de maintien de la paix, relever ces défis nécessite une planification et une stratégie soigneuses pour protéger le plus grand nombre possible de personnes. Il faut également faire en sorte que le gouvernement hôte, la population et la communauté internationale comprennent l’importance des Casques bleus, mais aussi leurs limites réelles.

Sous-Secrétaire général Jean-Pierre Lacroix

« Nous ne devons pas oublier que nos Casques bleus - civils, policiers, hommes et femmes, soldats - sauvent des vies tous les jours. Ils protègent les civils et aident à la mise en œuvre des processus de paix... Il importe de reconnaître la valeur ajoutée du maintien de la paix et ce que nous apportons aux sociétés et aux nations qui sont déstabilisées ».

Voir : "Protecting civilians a central mission for UN peacekeepers" (en anglais seulement)

25 ans de la protection des civils

Au cours des 25 dernières années, le mandat de protection des civils est devenu une pierre angulaire des opérations de maintien de la paix de l'ONU, façonnant la manière dont les missions préviennent et répondent à la violence contre les civils. Pour commémorer ce parcours de 25 ans, nous partageons une collection d'histoires personnelles et de réflexions illustrant les efforts en termes de la protection des civils en première ligne. Cette série de Profils dans la protection des civils sera progressivement publiée sur cette page, retraçant l'évolution du mandat depuis sa création en 1999 jusqu'à aujourd'hui. Des opérations sur le terrain dans les zones touchées par les conflits à la prise de décisions stratégiques au Conseil de sécurité des Nations unies, les récits illustrent l'étendue des contributions de ceux qui font progresser le mandat de protection des civils, partagent leurs points de vue et honorent leur engagement à protéger les civils et à promouvoir la paix dans certains des conflits les plus difficiles au monde.

 

Premières résolutions pour la protection des civils : Inscrire la protection à l'ordre du jour du Conseil de sécurité

Elissa Golberg - Conseil de sécurité des Nations unies
Elissa Golberg

Lorsque le Canada est arrivé au Conseil de sécurité en 1999, la communauté internationale était encore sous le choc des atrocités commises dans les années 1990. À l'époque, les missions de l'ONU se concentraient sur la protection des convois humanitaires et de l'aide, plutôt que sur la protection des personnes, que certains qualifiaient de « morts bien nourris ». Elissa, alors chargée de mission au ministère canadien des affaires étrangères à Ottawa, a constaté un besoin de mieux faire.

Avec une détermination sans faille, Elissa et ses collègues se sont mis au travail et ont abouti aux résolutions 1265 (1999) et 1296 (2000) du Conseil de sécurité, qui ont inscrit la protection des civils à l'ordre du jour du Conseil. Avec ces textes, le Conseil a reconnu son rôle dans la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des civils, y compris son intention d'autoriser les missions de maintien de la paix des Nations unies à recourir à la force pour protéger les civils lorsque cela s'avère nécessaire. Ces résolutions, à la rédaction desquelles Elissa a joué un rôle clé, ont fourni les bases pour la protection des civils aux Nations unies.

Elissa se remémore ces 25 dernières années : « Le fait que presque toutes les opérations de maintien de la paix menées depuis lors aient été dotées d'un mandat de protection des civils est remarquable. Il en va de même pour l'inclusion systématique des opérations de maintien de la paix dans la formation et la doctrine militaires. On comprend également que tous les acteurs du système des Nations unies ont un rôle à jouer en matière de protection. La protection des civils est ancrée dans les esprits. Les attentes ont augmenté. »

Pour l'avenir, afin de maintenir le progrès, le conseil d’Elissa au personnel de l'ONU est clair : « Soyez audacieux, soyez courageux. Donnez vos meilleurs conseils au Secrétaire général et au Conseil de sécurité. » Et même si la tâche peut sembler ardue en raison du climat géopolitique actuel, Elissa nous rappelle que « la protection des civils était censée combler une lacune criante mais nous savions qu'il ne s'agissait pas d'une panacée. Nous ne pouvons pas arrêter toutes les attaques mais chaque effort compte. Le renforcement de la protection des civils est un agenda profondément pratique et réalisable. »

 

Commander avec volonté : Le leadership créatif en temps de crise

Général Patrick Cammaert - MONUC
General Patrick Cammaert, MONUC

Lorsque le général Cammaert est arrivé dans l'est de la République démocratique du Congo en 2005, la région était, selon ses propres termes, « en flammes ». Les civils étaient constamment menacés et les milices faisaient des ravages partout. Avant que Cammaert ne soit déployé pour commander la division orientale de la MONUC, le Secrétaire général Kofi Annan avait un message pour lui : « Général, je veux que vous agissiez. Bonne chance. » C'est tout. Pas de directives détaillées, juste un mandat pour protéger les civils menacés de violence physique.

Venant tout droit de New York, où il avait été conseiller militaire auprès du Département des opérations de maintien de la paix pendant quelques années, Cammaert avait une vision claire des choses. « Il fallait faire quelque chose pour protéger ces civils. Les gens à New York l'avaient compris. C'est le « comment » qui n'était pas clair. Le mandat de protection des civils était encore assez nouveau, et peu de gens avaient l'expérience ou les réponses, donc nous avons dû le définir. » Pour Cammaert, la force d'un mandat dépend de la volonté et de l'esprit d'initiative qui l'animent. « On en revient toujours à ces deux éléments cruciaux. La volonté est politique, le leadership est personnel, et les deux sont essentiels pour réussir ».

Cammaert savait que la première chose à faire était de restaurer la confiance dans les Nations unies. Immédiatement après que la division a établi son quartier général, Cammaert et ses troupes se sont déplacés sans relâche, s'engageant dans des opérations risquées de bouclage et de ratissage. « Nous avions la volonté de mettre en œuvre le mandat en utilisant la force s'il le fallait, conformément aux règles d'engagement », se souvient Cammaert. Nous avons rapidement désarmé 18 000 milices dans le district d'Ituri en les prenant par l'oreille et en leur disant : « Vous désarmez ou nous vous ferons désarmer. » Cela a envoyé un message fort : les Nations unies étaient sérieuses et capables d'agir. « Nous les avons prévenus : ne jouez pas avec l'ONU ou vous en paierez le prix. »

L'approche de Cammaert n'était pas seulement fondée sur la force brute. Elle s'appuyait également sur des tactiques intelligentes et sur la créativité. Lorsque sa division ne disposait pas de la force ou des capacités nécessaires, elle avait recours à des stratégies novatrices, utilisant le matériel disponible pour distraire et désorienter les groupes armés, afin qu'ils ne puissent pas prédire les mouvements de l'ONU. « Nous avons dû faire preuve de créativité », explique Cammaert. « C'est ainsi que nous avons réussi, en sortant des sentiers battus. La créativité est essentielle pour la protection des civils, mais elle est davantage étouffée aujourd'hui. »

Lors d'un voyage dans une autre région, Cammaert et son équipe ont rencontré des aînés locaux. Ils se sont plaints que les Nations unies n'en faisaient pas assez ou ne patrouillaient pas correctement. Il a comparé la situation à celle de New York, où l'on peut appeler le 911 en cas d'urgence. Il n'y avait rien de tel en RDC. La Mission a donc pris des mesures : elle a lancé l'opération ‘Night Flash’, mettant en place des « réseaux d'alerte communautaires » (CANs), où les habitants pouvaient alerter l'ONU en cas de problème à l'aide de téléphones ou de signaux tels que des cloches d'église, des sifflets, etc. et où l'ONU déployait d'urgence des forces de réaction rapide pour dissuader la menace. En l'espace de six mois, plus de 70 villages et hameaux ont été connectés. Au cours d'une telle opération, les unités utilisaient des obus de mortier éclairants, illuminant le ciel nocturne après avoir été alertées, afin d'effrayer les attaquants.

Pour Cammaert, la protection des civils ne fait pas seulement partie du mandat de la Mission, c'est la « raison d'être » du maintien de la paix. « La protection des civils, en fait, est la raison pour laquelle vous êtes là. Vous laissez tout tomber lorsque des personnes sont tuées, torturées, violées... Vous ne pouvez pas être partout, mais où que vous soyez déployés, vous devez protéger les civils ».

 

Un incident à la fois : Utiliser le dialogue pour briser les cycles de violence

Cecile Mbary née Mandza - MINUSCA
Cecile Mbarynee Mandza

Des années de violence continue ont coûté la vie à d'innombrables personnes en République centrafricaine. C'est un cercle vicieux : un groupe attaque, l'autre riposte et le conflit se poursuit. Cecile, assistante de liaison communautaire à la MINUSCA, travaille chaque jour à briser ce cycle par le dialogue et la recherche de solutions pacifiques pour protéger les civils.

 

Un cas particulier lui revient en mémoire. Elle se souvient d'avoir été alertée un jour d'une tragédie : un père âgé et sa fille de neuf ans qui se rendaient à l'hôpital ont été tués par des membres d'un autre groupe ethnique, un mari et sa femme. Pour se venger, un groupe armé a capturé les auteurs du crime pour les tuer. Cecile savait qu'elle devait agir rapidement pour empêcher d'autres effusions de sang.

La MINUSCA a d'abord reçu l'alerte de l'un de ses points focaux dans le village. Le point focal avait suivi une formation dispensée par la Mission, il savait donc ce qu'il fallait chercher et ce qu’il fallait faire. Heureusement, le prêtre local avait négocié pour que les personnes enlevées soient mises à l'abri dans la paroisse - mais l'arrangement n'allait pas durer longtemps. L'objectif de Cecile est clair : elle doit les faire sortir sains et saufs et s'assurer qu'ils feront face à la justice de la bonne manière, c'est-à-dire sans violence supplémentaire.

Cecile partit immédiatement pour le village, accompagnée de collègues policiers et militaires. Elle rencontra la maire et lui expliqua la situation. « La maire était profondément bouleversée. Elle a expliqué combien sa communauté avait souffert à cause du groupe auquel appartenaient le père et la fille », raconte Cecile. « J'ai fait preuve d'empathie, mais je lui ai rappelé que tuer n'apporte jamais la paix. Nous devions empêcher toute nouvelle violence. » Après un peu de persuasion, la maire a accepté de l'aider.

La nouvelle de l'arrivée de Cecile s'est rapidement répandue dans le village. « Le chef du groupe armé a demandé à me parler », décrit Cecile. « J'ai été placée dans une pièce avec lui, ainsi qu'avec mes collègues de la gendarmerie et de la police. J'aurais pu avoir peur, mais en sachant qu'ils me protégeaient, je me suis sentie en sécurité pour effectuer mon travail. » Le chef était en deuil, énumérant toutes les personnes de sa communauté qui avaient été tuées. « J'ai écouté attentivement et j'ai montré que je comprenais sa douleur. Je lui ai dit que nous ne pouvions pas nous contenter de nous concentrer sur le nombre de personnes tuées. Trop de vies ont été perdues des deux côtés. Pour mettre fin à la violence, nous devons unir nos forces pour protéger les communautés. »

En fin de compte, il a compris ce qu'elle lui disait. « Il a accepté que je prenne les personnes enlevées sous ma garde, sinon elles auraient été tuées sur place », raconte Cecile. « Je l'ai assuré que je relaierais ses griefs et ses recommandations de paix à la mission. Choisir les bons mots, faire preuve de sensibilité et faire en sorte qu'il se sente écouté ont été essentiels pour gagner sa confiance et sauver deux vies ce jour-là. » Cecile et ses collègues ont ramené les individus au bureau local de la MINUSCA, où ils ont été remis aux autorités chargées de l'application de la loi.

Ce jour-là, la capacité de Cecile à discuter et à établir un contact personnel avec les gens a permis d'éviter une nouvelle vague de violence et de briser le cycle, du moins temporairement. Au-delà de cet incident, Cecile a continué à protéger de nombreux autres civils de la menace de violence physique dans son rôle d’assistante de liaison communautaire, poursuivant son travail vital jusqu'à aujourd'hui.

 

De la vengeance à la résolution : Désamorcer les conflits communautaires

Muhiedin Hemiar - UNAMID
Muhiedin Hemiar, UNAMID

Muhiedin n’a pas seulement travaillé au Darfour, il en est originaire. Ses liens profonds avec la région signifiaient qu'il connaissait les gens, y compris les principaux dirigeants locaux. Ces liens se sont révélés cruciaux un jour de 2016, lorsqu'un ami est venu lui annoncer une nouvelle troublante.

Cet ami, un instituteur à Khartoum et point focal tribal, venait d'apprendre que son frère aîné avait été tué par des membres d'une tribu voisine au Sud-Darfour. Les agresseurs avaient volé le bétail de son frère et l'avaient tué sur ce qu'ils considéraient comme leur terre d'origine. Travaillant dans le domaine des affaires civiles au sein de la MINUAD, Muhiedin a compris ce qui allait se passer : « C'est un déclencheur de combats, ils vont riposter », a-t-il pensé.

En fait, la tribu de son ami avait déjà commencé à se mobiliser. Muhiedin savait que si la situation perdurait, elle dégénérerait en un conflit beaucoup plus important. Il exhorte son ami à prendre le contrôle de la situation en s'adressant directement aux membres de sa tribu. « Tu es l'une des personnes les plus sages de la tribu », lui a dit Muhiedin, « et tu peux protéger ta communauté en résolvant ce problème pacifiquement. Ce sera bien mieux pour ta famille et ta tribu. Si tu te venges, toutes leurs vies seront en danger. » Son ami a écouté. Il a appelé sa famille au village et l'a suppliée : « S'il vous plaît, n'agissez pas encore. Arrêtez la mobilisation, enterrez le cadavre et ne cherchez pas à vous venger avant mon arrivée. »

Il ne s'agissait pas seulement de mettre fin à la violence, mais aussi de faire preuve de leadership. Dans ces tribus, la question de la bravoure se posait, selon Muhiedin. Si son ami n'y allait pas en personne, la tribu pourrait penser qu'il renonçait à venger son frère par manque de courage. « Tu dois être présent pour expliquer pourquoi il vaut mieux ne pas riposter, non seulement pour ta famille mais aussi pour toute la communauté », a déclaré Muhiedin.

Le temps était compté. Muhiedin avait déjà vu des situations similaires dégénérer et savait qu'il était important d'agir rapidement et de faire preuve d'ingéniosité. En tant qu'officier des affaires civiles, il avait pour mission officielle de faciliter la résolution des conflits. Normalement, il contactait des interlocuteurs locaux pour évaluer le niveau de tension et, si nécessaire, des Casques bleus étaient envoyés sur place pour apaiser la situation. Mais cette fois-ci, il savait que c'était son ami qui devait partir. Muhiedin s'est arrangé pour qu'il voyage sur les vols de la MINUAD de Khartoum au Sud-Darfour.

Le lendemain matin, son ami a retrouvé sa famille et sa communauté. Sa présence et ses explications ont été cruciales. Il leur a parlé de ce dont il avait discuté avec Muhiedin la veille : les dangers d'une escalade du conflit et les conséquences plus larges s'ils choisissaient la violence. Il leur a expliqué que la vengeance ne ferait qu'aggraver les pertes de part et d'autre et les a exhortés à passer par les voies légales. Ses paroles les ont convaincus. Au lieu de se venger, la communauté a porté l'affaire devant la justice traditionnelle et, grâce à un système de compensation familiale, la responsabilité du décès a été établie.

Grâce à l'intervention rapide de Muhiedin et au leadership de son ami, un conflit majeur a été évité. La tribu a choisi la voie de la paix, évitant ainsi que la situation ne devienne incontrôlable. En réfléchissant à l'incident, Muhiedin explique : « Il ne s'agissait pas seulement d'arrêter un conflit. Il s'agissait de protéger l'ensemble de la population contre la violence. Si nous n'avions pas agi aussi rapidement, la situation aurait pu dégénérer en affrontements violents, avec le risque de faire des centaines, voire des milliers de victimes. » Ce n'est qu'une des nombreuses fois où Muhiedin et ses collègues sont intervenus pour prévenir les affrontements communautaires au Darfour, des efforts souvent invisibles précisément parce qu'ils fonctionnaient.

 

Surmonter les clivages : S'unir pour la paix

Hiroko Hirahara - UNMISS

Hiroko Hirahara

Le Sud-Soudan a accédé à l'indépendance en 2011, mais deux ans plus tard, une guerre civile a éclaté, divisant la nation et déplaçant des millions de personnes. Les populations ont fui leurs maisons et se sont réfugiés dans les complexes de la MINUSS. À Bentiu, la capitale de l'État d'Unité dans le nord, un site de protection des civils a été créé, abritant par la suite plus de 113 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays.

Hiroko est arrivée à Bentiu en tant que chef du bureau local en 2016. Elle était déterminée à faire la différence, mais les défis étaient immenses. La population de Bentiu était divisée, avec les partisans du gouvernement d'un côté et les partisans de l'opposition de l'autre. Même les familles étaient divisées par le conflit. La plupart des civils qui avaient trouvé refuge dans le site de protection des civils de Bentiu soutenaient l'opposition. La violence était endémique et Hiroko se demandait souvent ce que la Mission pouvait faire pour aider.

« Jour après jour, j'ai parlé, négocié et même discuté avec le gouverneur de l'État et les dirigeants de l'opposition jusqu'à ce que nous parvenions à un certain degré de compréhension mutuelle et que nous développions la confiance », Hiroko se souvient. Pendant des années, le processus de paix semblait bloqué, et l'équipe de Hiroko, y compris la police de la mission, se battait constamment pour maintenir la stabilité sur le site de protection des civils.

Mais en septembre 2018, les choses ont changé. Les présidents du Soudan et de l'Ouganda ont négocié un accord de paix, et les habitants épuisés de Bentiu ont commencé à déployer leurs propres efforts de consolidation de la paix. Hiroko et l'équipe de la MINUSS à Bentiu ont soutenu ces efforts locaux, sachant que même les petits pas vers la paix étaient cruciaux. Une pensée persistait dans l'esprit de chacun : ‘Si cela ne se passe pas bien, il n'y aura pas de seconde chance’.

Le 15 décembre, Hiroko a reçu une nouvelle surprenante de la part du gouverneur de l'État. « Hiroko, chuchota-t-il, je viens d'apprendre que le gouverneur de l'opposition rentrera bientôt du Soudan. Il souhaite organiser avec nous une marche pour la paix. » Hiroko était sceptique mais pleine d'espoir. Elle a contacté les commandants de l'opposition pour vérifier si c'était vrai, et ils ont confirmé les plans. Le gouverneur de l'État et les chefs de l'opposition ont ajouté : « Nous comptons sur le soutien de la MINUSS. » Hiroko et ses collègues se sont immédiatement mis au travail.

Les discussions entre les factions se sont déroulées sans heurts et ont abouti à un accord prévoyant que 600 partisans de l'opposition, conduits par leur gouverneur, arriveraient à Bentiu la veille de Noël. Fait encore plus remarquable, ils seraient escortés depuis la frontière par des soldats du gouvernement et non par les leurs.

À la veille de Noël, des milliers de personnes déplacées qui n'avaient pas osé sortir du site de protection des civils depuis des années se sont déversées dans les rues de Bentiu. Elles ont salué joyeusement les soldats du gouvernement qu'elles craignaient autrefois, qui leur ont souri et leur ont rendu la pareille. Les femmes locales ont chanté des chansons joyeuses et dansé leur danse traditionnelle dans les rues. Les jeunes, remplis de joie, se sont écriés : « Merci, la MINUSS ! Merci, mama Hiroko ! » Tous les Casques bleus de Bentiu ont été mobilisés ce jour-là, et Hiroko a vu nombre d'entre eux – qui protégeaient les civils à l'intérieur du site 24 heures sur 24 et sept jours sur sept depuis des années – devenir émotifs, certains même au bord des larmes.

Lors d'une réunion organisée sur le site de protection des civils, les dirigeants des deux camps ont demandé pardon et se sont engagés à travailler ensemble pour la paix. Soudain, un commandant militaire a scruté la foule et a repéré Hiroko. « Aujourd'hui, nous devons également remercier la MINUSS et la femme qui dirige son bureau local ici à Bentiu », a-t-il déclaré. Pour Hiroko, ce fut un moment de profonde validation. « J'ai réalisé que c'était le moment où tout notre travail en valait la peine ; c'était le moment où les gens des deux côtés comprenaient enfin – ne serait-ce qu'un peu – le travail que l'ONU entreprend. »