Samuel, désormais ex-combattant, dit avoir lui-même convaincu une dizaine de jeunes de déposer les armes pour retourner à la vie civile et avancer vers une vie meilleure.
Samedi 24 mai 2025. Il est un peu plus de 11 heures, sous un soleil de plomb, dans le groupement de Tsere, dans la province de l’Ituri. Samuel, la trentaine, observe avec un sourire discret l’enclos verdoyant où paissent une vingtaine de vaches. Ce pâturage, ces bêtes, cet espace de travail… Tout cela représente plus qu’une simple activité d’élevage : c’est une promesse de stabilité, un symbole de rupture après des années passées dans la brousse, rythmées par la violence au sein du groupe armé Zaïre.
Samuel fait partie des seize ex-combattants et trente-deux jeunes à risque qui bénéficient de ce projet mené par le Programme national de Désarmement, Démobilisation, Relèvement communautaire et Stabilisation (PDDRC-S) et de la MONUSCO pour faciliter le retour à la vie civile et la réinsertion sociale des personnes qui ont combattu dans les groupes armés, responsables de graves violations des droits humains dans cette province.
Vingt-cinq vaches, des pâturages mis gratuitement à la disposition des bénéficiaires par la communauté, des outils, un encadrement technique pour l’élevage, un accompagnement psychosocial ainsi qu’une formation à des activités génératrices de revenus. Les quarante-huit bénéficiaires disposent de quoi se lancer dans une nouvelle vie et rompre avec un passé souvent douloureux.
« Je voulais protéger ma communauté »
C’est en 2021 que Samuel rejoint un groupe armé. « J’ai rejoint le groupe armé parce que ma communauté était abandonnée. J’ai pris les armes pour me défendre, pour défendre les miens », explique-t-il, rappelant qu’en Ituri, les conflits communautaires alimentent un cycle de violences depuis plus de deux décennies.
Cependant, au bout de quelques mois, Samuel perd ses illusions et se rend compte du cycle infernal dans lequel il s’est introduit. « Ce que j’ai vu là-bas m’a brisé, raconte-t-il. Au fil du temps, j’ai compris qu’on ne construit pas un avenir dans la violence ».
Comme de nombreux autres jeunes, il s’est laissé entraîner par un discours simpliste qui oppose les communautés et met en péril la sécurité dans la région. Sans perspectives, nombreux cèdent aux sirènes de milices qui recrutent principalement parmi les jeunes, pour la plupart désœuvrés et sans emploi.
Initier le dialogue et convaincre les miliciens
Du 26 mai au 1er juin 2023 à Aru, le gouvernement provincial de l’Ituri, avec le soutien technique et financier de la MONUSCO, a organisé un dialogue réunissant les principaux groupes armés opérant en Ituri. Quatre groupes armés actifs avaient répondu présents : le Front de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI), la Force patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC), la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), le Mouvement pour l’autodéfense de la province de l’Ituri (MAPI).
À l'issue de ces discussions, un protocole d’accord a été signé dans lequel les groupes armés se sont engagés à cesser les hostilités et à œuvrer pour la paix, la sécurité et la cohésion sociale en Ituri. A la suite de ce dialogue, des activités de sensibilisation ont été menées pendant plusieurs semaines pour informer et convaincre les combattants de déposer les armes et réintégrer la vie sociale.
« Une autre voie est possible »
Samuel a été touché par ce message et a saisi l’opportunité d’une nouvelle vie, loin des bruits des armes. « J’ai été sensibilisé par les équipes de la MONUSCO lors des assises de paix à Aru. On nous a parlé de réinsertion, de réconciliation, de travail, de retour en famille. J’ai écouté. J’ai réfléchi. Et j’ai compris qu’on avait une autre voie », fait-il savoir.
Le désormais ex-combattant dit avoir lui-même convaincu une dizaine de jeunes de déposer les armes pour explorer une autre voie. « Aujourd’hui, je veux travailler avec mes mains, vivre avec les miens, élever des bêtes et contribuer à la paix. Je suis heureux d’avoir été accepté à nouveau dans ma communauté », confie Samuel.
Depuis ce dialogue, plus d’un millier de combattants ont déposé les armes. Pour Jean de Dieu Désiré Ntanga Ntita, coordonnateur national du PDDRC-S, ce projet est plus que simplement un appui matériel apporté à des jeunes désœuvrés : « C’est un choix de société, une décision collective de tourner la page de la violence. La paix ne peut se construire sans développement, et le désarmement ne peut réussir sans perspectives concrètes pour ceux qui acceptent d’abandonner la lutte armée ». Jean de Dieu Désiré Ntanga Ntita salue notamment l’accompagnement des autorités locales et coutumières sans lequel la réintégration sociale des ex-combattants aurait été plus périlleuse.
À Tsere où Samuel vit avec sa famille, les autorités et les habitants se sont mobilisés pour accueillir les jeunes. Le chef du groupement, représentant la chefferie de Bahema, se réjouit de cette dynamique : « Ce projet a été conçu avec les communautés, en fonction de leurs réalités. Nous sommes reconnaissants envers le PDDRC-S et la MONUSCO. Nous saluons surtout le courage des jeunes démobilisés. À ceux qui sont encore dans la brousse, nous lançons un appel : revenez. La communauté est prête à vous accueillir ».
« J’ai connu la guerre. Je veux maintenant connaître la paix. Pas seulement pour moi. Pour mes enfants, pour ma famille, pour mon village », lance de nouveau Samuel, plein d’espoir.
Accompagner le gouvernement
De son côté, Khaled Ibrahim, le responsable de la section DDR-S de la MONUSCO, s'est adressé directement aux bénéficiaires ; d'abord, pour saluer leur courage d'avoir choisi le camp de la paix, puis, pour les rassurer une fois de plus de l’engagement des Nations Unies à accompagner le gouvernement congolais dans le processus de paix.
« Vous allez commencer maintenant à générer des revenus avec vos propres mains, suite à votre acte courageux de déposer les armes et de choisir la paix. Nous allons continuer à accompagner le gouvernent et le PDDRC-S dans leurs efforts pour ramener la paix et la stabilité en RDC », a-t-il déclaré au cours de la cérémonie qui a clôturé ce projet.
Même message de la part du chef de bureau de la MONUSCO à Bunia, Josiah Obat : « Cette initiative incarne l’engagement de la MONUSCO à appuyer le gouvernement congolais dans ses efforts de paix et de stabilité. Il montre qu’il est possible de sortir du cycle de la violence en s’appuyant sur les communautés, les jeunes, et la volonté collective de tourner la page ».