Insécurité due aux groupes armés à Beni : la MONUSCO en mission d’évaluation sécuritaire à Samboko-Chani-chani. Photo MONUSCO/Sy Koumbo S. Gali
Une mission d’évaluation de la situation sécuritaire s’est rendue jeudi 19 septembre à Samboko-Chani-chani, une région infestée de groupes armés située à une soixantaine de Km au nord-ouest de Beni, sur l’axe Beni-Eringeti. La délégation était composée des représentants de plusieurs sections civiles de la MONUSCO, de la police MONUSCO (UNPOL), de l’armée congolaise (FARDC) et de l’administratrice adjointe du territoire de Beni.
Aux environs de 10 heures, lorsque la délégation arrive à Samboko-chani-chani, dans les entrailles d’une forêt équatoriale au couvert végétal impressionnant, c’est jour de marché. Le village grouille de monde.
Des véhicules des commerçants venus chercher des vivres sont stationnés ici et là. Des villageois poussent difficilement des vélos surchargés de régimes de bananes qu’ils sont venus vendre afin d’assurer, sans aucun doute, leur quotidien.
Mais ce bouillonnement humain cache une toute autre réalité : la plupart de ceux qui sont dans ce marché sont des déplacés, venus soit pour vendre, soit pour acheter.
En réalité, Samboko-chani-chani est presque inhabité, ses habitants ayant fui le village pour se réfugier soit à Oicha, Eringeti pour certains, soit de l’autre cote de la rivière Samboko dont le village porte le nom, en Ituri voisine.
Cette fuite, apprend-t-on, est consécutive à deux attaques successives du village : le 3 avril 2019, par des Mai Mai, et le 23 mai, par les ADF, qui ont pillé et incendié plusieurs maisons, dont le Centre de santé de Samboko, construit par les populations elles-mêmes et qui faisaient leur fierté.
Mais rien n’est facile pour les habitants de Samboko. Car après ces attaques, ils disent avoir été pris à partie par les FARDC qui les accusaient de collaboration avec ces groupes armés, particulièrement avec les Mai-Mai. D’où ce départ en masse.
Rentrée scolaire difficile
A l’Ecole primaire du village où la délégation a pu échanger avec toutes les forces vives locales (acteurs de la société- civile, commerçants, agents de l’Etat, mères au foyer), les interventions seront axées sur ces questions fondamentales qui sont « la Paix et la sécurité ».
Essoh Essis, le chef des Affaires civiles et chef de la délégation, en plantant le décor de cette réunion, a été clair : « Nous sommes venus ici pour vous écouter et comprendre ce qui s’est réellement passé avant de proposer des solutions ».
L’administratrice adjointe du territoire de Beni, Rosette Kavula, ainsi que le Colonel Teddy, Commandant des activités civilo-militaires des FARDC (SECAS) à la 341e garnison du secteur opérationnel Beni-Lubero, membres de la délégation, ont abondé dans le même sens.
Dès lors, tous ont, un a un, égrené les chapelets de problèmes découlant de l’insécurité liée à la présence des ADF et des Mai Mai ; notamment : les difficultés de la vie en refuge, l’impossibilité d’accéder aux champs, l’absence de soins et d’écoles pour leurs enfants, etc.
Le directeur de l’école primaire de Samboko, qui a reçu la délégation, reconnait, lui, une reprise timide des cours lors de cette rentrée scolaire, avec au moins 40 pour cent d’élèves qui viennent de leurs lieux de refuge pour suivre les cours et repartent aussitôt ceux-ci finis.
« Mais il faut la sécurité et surtout que la confiance revienne de nouveau pour que les parents laissent venir leurs enfants », a-t-il dit. Car, si les attaques des groupes armes sont décriées, c’est le difficile rapport avec les FARDC, notamment la compagnie du 322e bataillon relevé récemment, qui est fortement mis en exergue.
Remariage entre la population et les FARDC
Accusés de complicité avec les Mai Mai, selon eux, beaucoup disent avoir été menaces de mort, y compris le chef de village qui a dû se réfugier à Eringeti, selon son propre témoignage.
Aussi, s’il faut que les gens reviennent à Samboko, a dit Isaac Virere du CRDH, une ONG locale des droits de l’homme, « il faut de nouveau un remariage entre les populations et les FARDC », car, ajoute-il, même si la relève des FARDC fait de son mieux pour ramener la confiance, celle-ci n’est pas encore totalement de mise, parce que les populations ont toujours peur des soldats.
Isaac Virere a aussi dénoncé deux barrières illégales des FARDC, à l’entrée et à la sortie de Samboko oû 500 FC (un peu moins de 30 centimes de dollars) sont prélevés sur chaque passant transportant un petit colis.
Vous n’avez qu’une seule armée : ce sont les FARDC, et vous devez nous faire confiance.
Le colonel Teddy a rassuré la population que tout sera fait pour que les brebis galeuses soient nettoyées de l’armée, et que la préoccupation concernant les barrières, soit solutionnée. « Mais vous n’avez qu’une seule armée : ce sont les FARDC, et vous devez nous faire confiance », a-t-il plaidé.
Pour sa part, Essoh Essis a souligné que les préoccupations seront amenées au plus haut niveau de l’armée pour que des réponses idoines y soient apportées. «Si la Monusco a tenu à ce que les FARDC soient représentées dans la délégation, et si le général l’a accepté, c’est qu’il prend à cœur vos problèmes, et le colonel Teddy que vous voyez ici sont les oreilles [de l’armée]», a-t-il ajouté.
L’officier de la MONUSCO a en outre indiqué que son organisation étudiera toutes les doléances qui ont été soumises, notamment en ce qui concerne la sécurité, l’absence de centre de santé, l’ enclavement communicationnel, ou encore l’antenne de Vodacom qui a été pillée par les ADF, pour voir, dans la mesure du possible, comment y apporter des solutions.