"Nous ressortons plus forts et presque transformés de cette formation qui nous a ouvert les yeux sur quelque chose qu'on banalisait".
Josephine Mby, 27 ans, est étudiante en 2e année de Master en psychologie clinique à l'université Sainte Croix de Mulo dans le territoire de Lubero, à plus de 100 km au nord de Beni. Comme vingt autres membres de la communauté [dont des représentants de partis politiques, membres de la société civile, administrateurs de groupes WhatsApp, associations de jeunes et journalistes], elle a pris part jeudi 14 septembre 2023 à la formation que la section de l'information publique de la MONUSCO a organisée à Lubero sur la lutte contre la désinformation et les discours de haine. Une première pour elle dont elle se réjouit : "La formation a été très utile pour nous. Personnellement, je vivais dans l'ignorance. Je ne m'intéressais pas trop à ce qui se passe généralement, que cela concerne la MONUSCO, la politique ou tout autre domaine. Seulement, en cas de manifestations, c'est là qu'on se pose certaines questions par rapport à ce qu'il se passe. Je ne savais rien de ce que nous avons appris aujourd'hui. Cette formation m'a permis d'ouvrir les yeux et d'avoir un nouveau regard sur ce qui se dit et circule sur les réseaux sociaux ", déclare-t-elle.
Pourtant dans cette région, reconnaissent les participants eux-mêmes, les conséquences de la désinformation sont visibles. "Des rumeurs viennent beaucoup plus des groupes de pression, nous avons aussi les partis politiques, des groupes Whatsapp. Parce que maintenant tout le monde est devenu journaliste : une fois vous avez un téléphone en main, vous partagez une information sans pour autant lire le contenu ou sans même vérifier sa source ? Alors cela amène la population à la confusion et c’est une source éventuelle de conflits », affirme un autre participant.
S'engager à lutter contre la désinformation
Comme un seul homme, tous se sont dit prêts à combattre désormais la désinformation. Joséphine Mby déclare ainsi : "Personnellement, je m'engage à sensibiliser mes amis. Avec moins de 30 personnes présentes à cette formation, on ne peut toucher toute la communauté. Tout juste après cette formation, je suis allée voir le président des étudiants de notre université (Archange Kasolene de Mulo) pour partager avec lui ce que nous avons appris, et comment aider à couper la chaîne de la désinformation. Je lui ai même proposé de créer immédiatement un groupe WhatsApp destiné à lutter contre la désinformation parmi les étudiants. Les rumeurs empoisonnent le milieu, surtout au sujet de la MONUSCO. Avant, tout ce que je recevais sur WhatsApp, je transférais à mes amis et autres groupes WhatsApp, sans recul, sans penser aux conséquences que cela pouvait avoir, moi qui suis membre de 16 groupes WhatsApp. Désormais, avant de transférer tel message ou telle vidéo, je ferai très attention. Surtout à ce que nous disent ces groupes de pression ou d'autres leaders".
David Kambale Mayani est journaliste à la radio Sauti ya Lubero. Il explique comment il compte désormais faire son métier : « Partant de la matière que nous avons apprise aujourd'hui, il y a possibilité de casser cette chaîne de la désinformation. Nous devons vérifier la provenance des informations, c’est-à-dire la source. Après avoir vérifié la provenance, s’il y a quelque chose à corriger dans ce sens, nous reviendrons sur cette information dans nos prochaines publications pour dire que non, il y avait une désinformation, en nous excusant et en comparant les deux versions ; la première version qui contenait la désinformation et la deuxième maintenant qui confirme les faits dont il est question. »
Et s'ils s'engagent à combattre ce fléau, c'est parce qu'ils en sont les premières victimes, et leur milieu avec. En 2009 par exemple, une folle rumeur avait circulé ici faisant état de l'acheminement à Lubero par une agence des Nations Unies de sujets rwandais. Entre véhicules incendiés par des manifestants manipulés et victimes de cette désinformation, et autres violences physiques, les "humanitaires" avaient décidé de quitter Lubero. "Quatorze ans, nous en payons toujours le prix aujourd'hui", déplore un participant.
Josephine Mby conclut par ces mots, l'air quelque peu désabusé : "J'ai compris qu'à cause de la désinformation, notre communauté accuse du retard dans son développement. Développement intellectuel, social, économique... J'ai toujours rêvé de travailler dans une ONG internationale. Avec toutes ces fausses rumeurs, une fois que la MONUSCO aura quitté la zone, ces ONG risquent elles aussi de partir. Où allons-nous travailler ? Comment ferons-nous pour nous aider nos parents et nos familles ? Voilà l'un des nombreux dangers de la désinformation. C'est pourquoi je supplie les acteurs, les autorités, la MONUSCO et les autres partenaires de multiplier ce type de formations, afin de permettre à la population d'avoir de vraies informations et de ne plus se fier aux rumeurs".