Antonio Guterres a consacré le deuxième jour de sa visite en République centrafricaine à Bangassou, ville du sud-est située à 700 kilomètres de la capitale Bangui et frappée par la violence communautaire depuis le 13 mai dernier. Huit soldats de la paix de la MINUSCA y ont perdu la vie lors d’attaques de groupes armés.
La population de Bangassou, chef-lieu de la préfecture du Mbomou, ne cachait pas sa joie d’avoir été choisie “parmi tant de gens qui souffrent dans le monde”, pour accueillir le Secrétaire général des Nations Unies. Alors, tout en remerciant l’illustre hôte de sa venue, elle saisit l’occasion pour lui adresser des messages. Ils sont écrits sur des pancartes et parlent du droit au travail, à l’école et à un abri, ou sur des banderoles et portent sur la violence armée. D’autres encore sont transmis de vive-voix pour dénoncer leur souffrance depuis six mois…
En mai dernier, les affrontements entre éléments anti-Balaka ou groupes d’auto-défense et éléments de l’UPC ont plongé Bangassou dans le désarroi. Habitée par plus de 35.000 habitants (recensement de 2003), la ville s’est rapidement vidée de sa population: près de 10.000 habitants ont fui de l’autre côte de la rivière et vivent désormais sur le territoire de la RD Congo, certains ont fui vers Bangui et Bambari tandis que les musulmans, qui habitaient surtout dans l’arrondissement de Tokoyo, ont trouvé refuge dans le Petit séminaire Saint-Louis, transformé depuis en un site de déplacés. Environ 2.000 hommes, femmes et enfants y sont entassés. En juillet dernier, la MINUSCA a lancé une opération pour ramener la paix et mettre fin aux activités des anti-Balaka/groupes d’auto-défense.
Arrivé sur le site, le Secrétaire général serre les mains d’une cinquantaine de personnes alignées, s’arrête quelques instants pour écouter des prières en guise de bienvenue avant de s’asseoir sur les marches d’une tribune, plutôt que sur les chaises qui lui étaient réservées ainsi qu’à sa délégation. Parmi ceux qui l’accompagnent, le Secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix, le Représentant spécial, la Représentante spéciale adjointe et Coordonnateur humanitaire, le Commandant de la Force et le Commissaire de Police. Les déplacés sont à quatre mètres des officiels. Fatima est bien plus proche et c’est elle qui parle en premier. Elle dénonce les violences quotidiennes causées par les groupes armés dès qu’un déplacé tente de sortir du site, critique ceux qui instrumentalisent ces éléments armés, réclame plus de moyens pour la MINUSCA, qu’elle remercie au passage... Ali, responsable du site, demande au Conseil de sécurité de renforcer les moyens de la Mission pour qu’elle continue à appuyer la RCA...
Après le site de déplacés, direction la Maison communautaire des femmes, un bâtiment construit par Caritas grâce à un financement de la MINUSCA. Le nouveau préfet du Mbomou, le Maire de Bangassou ainsi que les représentants des femmes, des jeunes et du Comité local de paix et de reconciliation s’y succèdent. La crise dans la localité est également au centre des échanges. Des recommandations sont faites sur le plan sécuritaire, avec l’appel au démantelement des barrières illegales sur l’axe Bangassou-Bambari, mais aussi le besoin d’une relance l’économie paralysée depuis mai. Alors que le Gouvernement a déployé cette semaine, 20 membres des forces de sécurité intérieure (10 policiers et 10 gendarmes) à Bangassou, le ministre de la Sécurité publique, également du voyage, lance aux nouveaux représentants de l’Etat: “Vous êtes à Bangassou. Vous avez votre mission. Exécutez-la. La MINUSCA va vous soutenir”.
Après avoir écouté ses interlocuteurs et ému, le Secrétaire général prend la parole pour expliquer que sa présence en RCA “est une visite de solidarité à l’endroit de tous les Centrafricains qui ont souffert de la violence des groupes armés non seulement à Bangassou mais aussi ailleurs dans le pays”. Face à cette violence, il dénonce les manipulateurs politiques qui prônent la division en évoquant la religion ainsi que les bandits qui ne veulent pas la paix. Il appelle ensuite à une véritable réconciliation nationale y compris la justice et à la relance économique, car, souligne-t-il, la solution à la violence dans un contexte de pauvreté est difficile.
Le Secrétaire général le dit lui-même, ce n’est pas facile de parler de réconciliation quand on est dans la soufrance. Alors, il en appelle à “la patience et la résilience car cela va prendre du temps” alors que certains vont essayer de l’empêcher: “Chacun doit faire un effort. Il faut que les Centrafricains se mettent ensemble. Votre diversité est une richesse”. Et d’annoncer son plaidoyer auprès de la communauté internationale pour appuyer le processus de réconciliation nationale en RCA mais aussi son développement. “Il ne faut transformer ce paradis en enfer. Vous êtes tous des Centrafricains”, lance-t-il.
L’autre plaidoyer évoqué par le Secrétaire général devant les autorités et population de Bangassou mais aussi les casques bleus concerne la MINUSCA, à savoir la demande faite au Conseil de sécurité pour le renforcement des capacités opérationnelles avec 900 hommes, afin de mieux protéger les casques bleus et les populations centrafricaines. Avant de préciser qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise centrafricaine, d’où l’appui aux efforts de dialogue menés par le Gouvernement centrafricain.
Le déplacement à Bangassou a également été consacré aux casques bleus civils et militaires de la Mission déployés sur place, à qui le Secrétaire général a tenu à exprimer sa gratitude, sa solidarité et son orgueil pour leur travail dans des conditions extrêmement difficiles. Après s’être incliné devant la mémoire des soldats marocains et cambodgiens tombés pour la paix dans la localité, il lance aux hommes et femmes de la MINUSCA: “Comptez sur tout mon engagement”.