Bienvenue aux Nations Unies

Journée théâtrale à la Prison civile des femmes de Cabaret

Dans le cadre de la célébration de la Journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes, le jeudi 4 avril 2019, la prison civile de Cabaret, qui compte actuellement 242 femmes, a servi de cadre, à une représentation théâtrale intitulée « Gouyad Senpyè » ou « la danse de Saint Pierre (gardien des clés du paradis) ».

Le temps d’une représentation, la grande salle de la prison civile des femmes de Cabaret s’est transformée en théâtre. D’abord plongés dans le noir, des projecteurs ont fini par éclairer deux petits podiums symbolisant deux cellules sur lesquelles dix comédiennes ont interprété des scènes du quotidiens des détenues. En mettant en lumière les vicissitudes de la vie carcérale bien connues des résidentes, ainsi que la problématique de la détention préventive prolongée, fléau qui gangrène le système judiciaire haïtien, cette pièce a provoqué de vives réactions dans le public.

Initié par le Bureau des droits de l’humains en Haïti (BDHH), ce projet est né du constat fait par la Secrétaire générale, Pauline Lecarpentier, que de nombreux rapports publiés mettent en avant les chiffres accablants de la détention préventive prolongée ainsi que la surpopulation carcérale mais que très peu de documents parlent des détenus et de leurs histoires : « En prison, elles n’ont pas de voix. Et lorsqu’elles sortent, on ne les entend pas, on ne les écoute pas et elles ne parlent pas non plus. ».

Pour remédier à cela, et faire émerger leurs voix, elle s’est tournée vers la fondation Konesans ak Libète (Fokal) qui l’a mise en contact avec l’équipe du festival de théâtre Quatre Chemins. Ensemble, ils ont développé le projet d’écrire et de jouer une pièce sur la prison.

C’est l’artiste Darline Gilles qui a écrit le scénario suite à de très nombreux entretiens avec d’anciennes détenues. Durant tout l’été 2017, elle a rencontré chaque semaine une dizaine de détenues, essentiellement des femmes, qui avaient été libérées grâce à l’appuis du BDHH. Ces témoignages ont nourri la narration de la pièce « Gouyad Senpye » qui a par la suite été mise en scène par Anyès Noel. Cette dernière a choisi, pour interpréter la pièce, une dizaine de comédiennes, dont la moitié sont d’anciennes détenues.

Après des mois de répétitions avec ces détenues qui n’avaient jamais encore fait de théâtre, et qui pour certaines savent à peine lire, le spectacle a été présenté une première fois en octobre 2017 en ouverture du festival Quatre Chemins. Une représentation qui a rencontré un franc succès avec une salle plus que comble. Pourtant, faute de financement, la pièce n’a plus été présentée.

C’est dans le cadre du projet « Accès à la justice et appui pluridisciplinaire aux femmes détenues à la prison civile de cabaret », financé par la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice (MINUJUSTH) et mis en œuvre par ONU Femmes Haïti et le BDHH que « Gouyad Sempye » a finalement revu le jour en 2019.

Après une série de représentations publiques, une prestation privée, cette fois adressée aux acteurs judiciaires ainsi qu’au partenaires et aux différentes personnes qui interviennent en prison (DAP, magistrats, le bâtonnier et des avocats, des élèves avocats, l’équipe du BDHH, des médecins qui interviennent en prison, des membres d’organisations qui font de l’appui psycho-social) s’est faite dans les bureaux du BDHH.

La pièce a eu un fort impact, mais surtout le débat qui a suivi par les témoignages des actrices et acteurs qui reflètent à quel point les différentes situation leurs ont permis d’incarner les problèmes du quotidien. Ils ont fait la demande qu’elle soit jouée devant le grand public, partout, pour tous les acteurs à travers le pays.

Suite au souhait de la DAP que cette pièce soit également  présentée à la prison civile des femmes de Cabaret , ce qui fut organisé pour le 4 avril 2019.

Ce vibrant plaidoyer pour l’amélioration des conditions carcérales est aussi un message d’espoir d’une vie après la prison pour ces femmes-courage en détention à Cabaret.

À l’issue de la représentation devant un public quasiment composé de femmes et filles en détention, des magistrats représentant, le Doyen et le Commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me Godelie Joseph, Loubens et Elisée Yvenne Thibault ont tour à tour pris la parole pour informer des efforts actuellement en cours au Tribunal de Port-au-Prince pour résoudre le problème de la détention préventive prolongée. Ils se sont engagés à ne ménager aucun effort pour accélérer le traitement des dossiers pénaux dont ils ont la charge, particulièrement ceux qui impliquent des femmes en détention préventive.