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Ivanne Milien, Juge de paix : “la paix sociale entre l’homme et la femme, c’est la complémentarité”

En Haïti, les quatre semaines qui séparent la Journée internationale des femmes, le 8 mars, de la Journée du mouvement des femmes haïtiennes, le 3 avril, sont dédiées aux droits des femmes. Un mois pour réfléchir aux obstacles structurels qui empêchent l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, tant dans le domaine professionnel que dans la sphère privée. C’est pourquoi la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH) a choisi de s’entretenir avec ses partenaires directs sur le terrain, des femmes engagées qui donnent leur point de vue sur la situation dans le pays. Rencontre avec Ivanne Milien, 39 ans et Juge de paix dans la section Nord. Cette année, le thème est « La paix, le progrès et le développement, c’est aussi l’affaire des femmes ». Qu’est-ce que ce slogan vous inspire ?

Ivanne Milien : Ce slogan me laisse comprendre que tout comme les hommes, les femmes peuvent, grâce à leur savoir-faire, participer au développement dans le milieu où elles évoluent, mais pour cela elles ont besoin de paix sociale.

Selon vous, comment l’innovation, la science et les technologies peuvent-elles contribuer à l’égalité entre les sexes ?

I.M. :  L’innovation, la science et la technologie n’ont pas de sexe. Ces trois facteurs peuvent donc contribuer certainement à l’égalité entre les sexes. Mais la base même de l’inégalité sociale réside dans l’ignorance et la pauvreté. Quand, dans une société, la science et la technologie sont très développées, on va tout droit vers l’innovation. Dans la mesure où les gens s’adonnent à la science et à la technologie, ils deviennent indubitablement des acteurs du développement.

Vous identifiez-vous comme une femme engagée ?

I.M. : Après mes études classiques, dès l’âge de vingt ans, j’avais commencé à former et sensibiliser les jeunes de 15 à 24 ans en tant que paire éducatrice. C’était un projet de l’organisation à but non lucratif Population Services International (PSI) en Haïti qui consistait à promouvoir la santé sexuelle et reproductive en Haïti et à réduire le taux des infections sexuellement transmissibles auprès du public cible.

De 2001 à 2005, j’étais responsable d’un groupe de travail dans le Nord où on montrait aux jeunes comment éviter les grossesses précoces et non désirées tout en travaillant aussi sur la prévention de transmission mère-enfant (PTME) du VIH/Sida en luttant contre la stigmatisation de ceux qui sont atteint du virus.

En janvier 2005, après mes études juridiques, j’ai tout de suite intégré le Bureau d’assistance juridique (BAJ) où j’ai travaillé comme assistante juridique en défendant les personnes démunies victimes d’arrestation illégale et arbitraire. J’ai aussi assuré le suivi auprès des autorités judiciaires pour ceux qui sont victimes de détention préventive prolongée dans les prisons civiles de la Grande-Rivière-du-Nord et du Cap-Haïtien, de 2005 à 2008.

De 2007 à 2008, j’ai assisté les femmes victimes de violence au sein de l’Assosiyasyon Fanm solèy d’Ayiti (AFASDA). C’est en avril 2012 que j’étais finalement nommée Magistrate près le tribunal de paix de la section Nord du Cap-Haïtien. Depuis, je m’efforce toujours, dans mes prises de décision, de rendre la justice la plus équitable possible.

Dans votre travail au quotidien, contribuez-vous à une meilleure reconnaissance du droit des femmes ?

I.M. : À titre gracieux, dès que je siège dans une affaire de mésentente entre une femme et un homme, je prends toujours le temps de bien évoquer avec les hommes la question des droits des femmes qu’ils se doivent de respecter. Quant aux femmes, je leur dis toujours qu’elles doivent respecter leur devoir de femmes partout et en tout.

Je prêche toujours la parité entre hommes et femmes, car la vraie paix sociale entre l’homme et la femme, c’est la complémentarité. De plus, en tant que juriste, j’organise souvent des séances de formation pour les associations de femmes de mon département.

Dans votre carrière, avez-vous rencontré des obstacles particuliers en tant que femme ?

I.M. : Quant aux obstacles, je les rencontre souvent. Cependant, en ma qualité de femme-juge, je les ai toujours surmontés grâce à ma perspicacité et mon sens du travail accompli.

Il faut intéresser les filles à se lancer dans des études scientifiques et technologiques en leur inculquant de bonnes notions sur l’estime de soi

Comment garantir selon vous une meilleure intégration des femmes au monde du travail en général ?

I.M. : Pour garantir l’intégration des femmes au monde du travail en général, il faut qu’elles se préparent et participent, comme les hommes, aux concours de recrutement du personnel de travail. En revanche, les institutions haïtiennes doivent organiser de vrais concours d’admission, sans parrainage.

Quel est le message que vous souhaiteriez porter aux femmes haïtiennes pour la journée du 3 avril ?

I.M. : Pour la journée du 3 avril de cette année, j’aimerais conseiller aux parents haïtiens de changer leur façon d’élever les filles haïtiennes comparativement aux garçons. Ils  devraient intéresser leurs filles à se lancer dans des études scientifiques et technologiques en leur inculquant de bonnes notions sur l’estime de soi.

Quant aux femmes haïtiennes, elles doivent s’aventurer un peu plus dans la politique. S’unir et travailler davantage afin d’éradiquer, dans tous les secteurs, les différents préjugés basés sur le sexe et sur le genre.