S.E Ambassadeure Carolyn Rodrigues-Birkett, Présidente du Conseil de sécurité,
Distingués membres du Conseil,
S.E Mme Sylvie Valérie Baïpo-Temon, ministre des Affaires étrangères et du Centrafricains de l’étranger de la République Centrafricaine,
Madame la Présidente,
1. Je voudrais féliciter la Guyane pour son accession à la présidence du Conseil pour le mois de février. J'ai l'honneur de présenter le plus récent rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, pour vous tenir informés des récents développements dans le pays ainsi que la mise en œuvre du mandat de la MINUSCA.
Membres du Conseil,
2. Le 6 février, une session extraordinaire du Comité exécutif de suivi de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République Centrafricaine (RCA) a été convoquée et présidée par S.E. le Président Touadéra pour marquer le cinquième anniversaire de la signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA (APPR-RCA). La session a fait le point sur les progrès globaux réalisés dans la mise en œuvre de l’APPR-RCA mutualisé avec la Feuille de route de Luanda, et a constaté une mobilisation importante des acteurs nationaux, régionaux et internationaux, notamment des garants et facilitateurs de l’APPR. La session a apprécié l’aide apportée par la communauté internationale, tout en appelant à un soutien supplémentaire pour la mise en œuvre des engagements restants et un appui continu à la décentralisation du processus de paix.
S'exprimant au nom de tous les facilitateurs et garants, le commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) a salué les réalisations obtenues grâce à la mise en œuvre du processus de paix mutualisé, y compris l’autodissolution de neuf groupes armés, et le maintien d’anciens dirigeants de groupes armés au sein du gouvernement actuel. En outre, il a appelé les signataires originels restants de l’APPR-RCA à rejoindre le processus de paix et politique, tout en saluant le soutien crucial apporté par la MINUSCA à la décentralisation effective de la mise en œuvre de l’accord politique de paix et de réconciliation.
3. Le 15 janvier, une patrouille de la MINUSCA a heurté un engin explosif alors qu'elle revenait d’une escorte de travailleurs humanitaires qui avaient acheminé de l'aide à Nzakoundou, un village à l’ouest de la RCA qui a récemment été l'épicentre d'une attaque menée par des éléments présumés du groupe armé 3R. L'explosion a tué Steve Emmanuel Atebele, du contingent camerounais, et a blessé cinq de ses compagnons. Le soldat Atebele avait 30 ans et était père de famille. J'exprime mes condoléances et celles de tout le personnel de la MINUSCA à la famille du défunt et au Gouvernement du Cameroun. La mort tragique de ce jeune soldat de la paix, qui survient dans un contexte similaire aux incidents survenus au cours des derniers mois, doit nous amener à nous pencher sur la question de la menace posée par les engins explosifs et munitions aux soldats de la paix et à trouver les réponses appropriées. Il est extrêmement important pour nous de comprendre les sources et origines des engins explosifs et munitions grâce à la collecte appropriée de renseignements et en poursuivant la coopération transfrontalière, pour endiguer la circulation des armes qui traversent les frontières vers le territoire centrafricain. En outre, les pays de la région doivent intensifier leur coopération en vue d’une gestion et d’un contrôle efficaces des frontières pour endiguer la prolifération des armes.
Les engins explosifs et munitions ainsi que les armes légères ne constituent pas seulement une menace pour la population et les soldats de la paix, mais représentent également une sérieuse contrainte pour l’acheminement de l’aide humanitaire dans l’ouest où vivent 50% de la population de la RCA. Je souhaite donc demander le soutien du Conseil pour une réponse urgente, centrée et véritablement multidimensionnelle à cette menace, tant pour la protection des civils que pour la sûreté et la sécurité de nos soldats de la paix. Nous devons tout faire pour empêcher la propagation de ces armes meurtrières à d’autres régions de la RCA. Cette approche devrait inclure un investissement dans l’appréhension et la compréhension des situations qui prévalent, ainsi qu’une coopération frontalière ciblée sur les origines et les sources d’approvisionnement des engins explosifs et munitions. Par ailleurs, la réponse multidimensionnelle devrait impliquer un renforcement de la préparation des pays contributeurs de troupes et de police avant leur déploiement, une formation et des équipement adéquats, ainsi que le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité nationales, et promouvoir davantage la sensibilisation des communautés à la menace des engins explosifs et munitions.
Madame la Présidente,
La République centrafricaine est un vaste pays au climat tropical, avec des forêts denses et des terrains difficiles d’accès. Le réseau routier du pays ne couvre qu’une distance modeste d’environ 24 000 km, dont la plupart sont des pistes en terre battue, seulement 3 % étant asphaltées. Ces pistes en terre battue sont impraticables chaque année pendant les 8 longs mois de fortes pluies. De nombreux villages à travers le pays sont donc difficilement accessibles et presque coupés du monde toute l’année. En bref, la RCA est un pays enclavé sans routes de liaison internes. Cela constitue non seulement un défi majeur pour la mobilité des troupes de la MINUSCA et des forces nationales de défense et de sécurité, et donc pour la protection des civils et l’extension de l’autorité de l’État sur son territoire. Cela est aggravé par les capacités limitées de transport et de logistique de notre Mission pour projeter du personnel et soutenir les opérations. Pour répondre aux urgences de protection des civils dans certaines zones reculées, la Mission doit utiliser tous ses moyens aériens limités, ce qui nous laisse mal équipés pour répondre à d’autres besoins pressants en matière de protection des civils. Le manque d’un avion-cargo de gros tonnage a limité la capacité de la Mission à transporter des matériaux essentiels nécessaires à la réalisation de ses projets sur le terrain visant à améliorer l’accessibilité et la mobilité du personnel militaire et civil de la MINUSCA. Alors que nous nous préparons bientôt à entamer les délibérations sur le budget de la MINUSCA, nous comptons sur les membres du Conseil et tous les États Membres pour fournir à la MINUSCA les moyens de transport et de logistique nécessaires pour consolider et étendre le soutien logistique de la MINUSCA au Gouvernement de la République centrafricaine et aux forces nationales de défense et de sécurité intérieure afin de remplir leur responsabilité première de protection des civils et d’extension de l’autorité de l’État conformément au mandat du Conseil.
Distingués membres du Conseil,
En effet, la Résolution 2907 (2023) par laquelle vous avez renouvelé le mandat de la MINUSCA a élevé le soutien de la Mission à la restauration et à l’extension de l’autorité de l’État (RESA) au rang de tâche prioritaire. La MINUSCA, en coordination avec les agences des Nations Unies, a investi dans des domaines clés, notamment le redéploiement de fonctionnaires et d’autres agents de l’État de Bangui vers leurs lieux d’affectation dans les préfectures et les sous-préfectures, ainsi que la construction, la rénovation et l’équipement de bâtiments administratifs. Au 15 janvier 2024, 86 % des autorités administratives locales étaient présentes à leurs postes. La MINUSCA a fourni un soutien logistique, sécuritaire et de renforcement des capacités aux ministères de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ainsi que du Territoire et de la Décentralisation et du Développement local, atteignant un total de 5 007 fonctionnaires civils (soit 77 %) présents sur le terrain, contre 650 seulement en 2013. Je tiens à souligner que notre mandat actuel a suscité des attentes encore plus grandes.
Dans ce contexte, la Mission continuera à renforcer sa coopération étroite et ses patrouilles conjointes avec les FACA et les forces internes, notamment dans les zones frontalières et les points chauds de conflit. Ceci s'accompagne d'un besoin urgent de réforme du secteur de la sécurité, pour lequel nous continuons à apporter un soutien considérable. Cependant, l'élévation de la RESA au rang de tâche prioritaire n'a pas été accompagnée de ressources supplémentaires pour sa mise en œuvre, ce qui, si cela n'est pas abordé lors des délibérations sur le budget, pourrait limiter notre capacité à soutenir de manière optimale la tâche prioritaire supplémentaire mandatée de la RESA. De plus, l'ampleur des besoins en matière de réforme du secteur de la sécurité et de restauration de l'autorité de l'État ne peut être soutenue par la MINUSCA seule. J'encourage donc les États membres et les partenaires disposant de l'expertise et des capacités institutionnelles nécessaires à soutenir les forces nationales de défense et de sécurité de la RCA et, ce faisant, à soutenir les efforts et les progrès de la République centrafricaine dans la construction d'une armée nationale professionnelle et des forces de sécurité intérieure. Il n'y a pas d'alternative à la sécurisation durable de la population de la RCA et à la préservation de la souveraineté de son territoire.
Madame la Présidente,
C’est pour moi l’occasion de saluer le Gouvernement de la République centrafricaine pour l'adoption, le 21 décembre 2023, de sa Politique nationale décennale (2024-2034) pour la gestion des zones frontalières. L'exécution de ce plan appelle à une coopération transfrontalière entre la République centrafricaine et les pays voisins, notamment par l’activation des commissions frontalières. Ces commissions jouent un rôle crucial dans la lutte commune contre l’insécurité et toutes les formes d’activités illégales qui constituent un obstacle persistant au développement économique de la RCA.
Membres du Conseil,
Le 8 décembre, le Gouvernement de la RCA et la MINUSCA ont conjointement organisé un séminaire sur la communication stratégique. L’objectif du séminaire national était de faire le point collectivement sur les réalisations et les défis du mandat écoulé, et de familiariser le Gouvernement et les partenaires de la RCA avec le contenu du nouveau mandat ainsi que les rôles et responsabilités respectifs du Gouvernement, de la MINUSCA, de l’Equipe pays des Nations unies et des partenaires de la RCA dans sa mise en œuvre. Le même exercice a ensuite été répété dans toutes les préfectures de la RCA.
Cette initiative de communication stratégique, une première depuis le déploiement de la Mission, a été très appréciée par les autorités centrales et la communauté diplomatique à Bangui, ainsi que par les autorités locales dans les régions. L'un des principaux résultats des séminaires préfectoraux a été un appel pressant des femmes à un soutien qui leur permettrait de jouer un rôle engagé et actif dans les élections locales et dans les mécanismes de mise en œuvre locaux de l’Accord de paix et de réconciliation dans leurs localités. J’ai l'intention de continuer à utiliser mes bons offices et à mobiliser la Mission, l’Equipe pays des Nations unies et d’autres partenaires bilatéraux et multilatéraux dans cette perspective. Une participation plus active et significative des femmes et des jeunes à la vie politique de la RCA, surtout dans les régions, est essentielle pour une inclusion significative dans le développement politique et socio-économique du pays.
Je vous remercie de votre attention.