Bienvenue aux Nations Unies

CONFERENCE DE PRESSE DE PRESENTATION DE LA RESOLUTION 2324 (2018) DU CONSEIL DE SECURITE DES NATIONS UNIES

Le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Chef de la MINUSMA - Annadif Khatir Mahamat Saleh

Chers amis de la presse, comme vous le savez, depuis le 28 juin dernier, le Conseil de Sécurité a eu un débat sur la situation au Mali. Lequel débat a été conclu par une Résolution sous le numéro 2423 (2018), qui a renouvelé le mandat de la MINUSMA jusqu’en juin 2019.

Cette Résolution fixe le sens dans lequel désormais, la Mission doit s’orienter, comment elle doit agir dans un certain nombre de domaines.  

Chers amis de la presse nationale et internationale, cette Résolution 2423 (2018) ne fixe pas uniquement le mandat de la MINUSMA, elle adresse également des messages, qu’on peut qualifier de messages forts du Conseil de Sécurité aussi bien aux Maliennes et aux Maliens mais surtout aux trois parties signataires de l’Accord pour la paix et la Réconciliation.

Vous le savez tous, le Secrétaire général des Nations Unies était au Mali les 29 et 30 mai derniers. Suite à cette visite, il a eu à constater, il l’a souvent dit, qu’une dynamique positive se développe quant à la mise en œuvre de l’Accord. Il a dit qu’il y a des progrès récents mais encourageants et il en a profité pour féliciter les parties signataires. La Communauté internationale à travers cette Résolution du Conseil de sécurité a voulu exprimer son impatience face aux retards persistants, même si j’ai dit qu’il y a eu des progrès récents, pour la communauté internationale, ces retards qui persistent dans la mise en œuvre des principales dispositions de l’Accord pour la paix et la Réconciliation qui vient de marquer le 3ème anniversaire, interpellent.

La Résolution 2423 (2018) exprime cette frustration, et, vous le voyez dans le langage, face à ces lenteurs, en dépit de l’appui et de l’assistance considérables reçus de la part de la communauté internationale. La même Résolution souligne qu’il est absolument urgent que les trois signataires à savoir la CMA, la Plateforme et le Gouvernement, prennent des mesures sans précédent pour s’acquitter pleinement et rapidement de leurs obligations restantes au titre de l’Accord.

Le Conseil a également exhorté les parties signataires à agir de manière plus engagée et plus rapide et il a énuméré un certain nombre d’actions spécifiques sur lesquelles il voudrait voir des progrès tangibles.

La résolution, pour la première fois, évoque la possibilité de faire usage des mesures prévues dans la résolution 2374 qui a mis en place un Comité de Sanctions sur le Mali.

Par ailleurs, le Conseil de Sécurité a exprimé sa profonde préoccupation sur la question des droits de l’homme, notamment la situation sécuritaire du Centre et l’intensification de la violence intercommunautaire. C’est une inquiétude que vous partagez j’en suis sûr et que nous partageons tous. L’une des conséquences de ce constat est que, pour la première fois, le Conseil de sécurité, a élargi le mandat de la MINUSMA pour qu’elle puisse s’impliquer davantage dans le Centre.

Evidemment, le Conseil a fermement condamné les violations des droits de l’homme et a réaffirmé que la stabilisation du Centre du Mali ne peut se faire sans des progrès sur les plans du développement, de la gouvernance, de la réconciliation, de la protection et de la promotion des droits de l’homme.

Il a aussi expressément demandé à la MINUSMA de continuer à surveiller et mener des enquêtes sur les violations des droits de l’homme sur tout le territoire malien, et lui faire rapport périodiquement, de façon publique et régulière.

La Résolution 2423 demande à la MINUSMA de renforcer sa coopération avec les agences humanitaires et de développement de l’équipe de pays des Nations Unies. Car vous n’êtes pas sans savoir que la MINUSMA, tôt ou tard, doit quitter le Mali mais les Nations Unies, comme avant la MINUSMA, resteront au Mali, et ce sera aux agences de prendre le relais ou la relève de la MINUSMA. 

Il en est de même avec les partenaires de l’ONU sur le terrain. Ainsi, le Conseil de sécurité a encouragé la MINUSMA à entretenir la dynamique qui s’est créée entre les parties sur le terrain, en renforçant et en revigorant la coopération entre les différents acteurs sous-régionaux, continentaux et internationaux. Il en sera de même avec l’Union Africaine, la CEDEAO ou encore le G5 Sahel mais aussi la Force française Barkhane ainsi que les Missions européennes que sont EUTM et EUCAP.  

Un autre point souligné par la Résolution, c’est la question du genre et surtout le rôle à faire jouer par les femmes. Il est ainsi demandé à la MINUSMA de considérer la perspective genre dans tous les aspects de son mandat. Le Conseil de sécurité a prié également la MINUSMA d’aider les parties à assurer la participation pleine et active des femmes à la mise en œuvre de l’Accord. C’est une question qui a toujours été au centre de nos préoccupations et on me signale qu’au moment où nous sommes en réunion ici, mon adjoint en charge de Affaires Politiques et dont l’Unité Genre dépend, n’a pas pu être avec nous car, il prend part aux travaux de la Journée Portes Ouvertes relative à la Résolution 1325 (2000)  sur les Femmes du Conseil de sécurité des Nations Unies, à l’Hôtel Radisson.

Mon dernier point qui est pris en compte dans la Résolution et qui n’est pas des moindres, concerne les élections.

Le mandat de la MINUSMA lui demande d’accompagner les Maliens dans la réalisation d’élections libres, crédibles, transparentes et apaisées. La MINUSMA l’a fait depuis 2013, elle continue à le faire, tant au plan technique que logistique. Ainsi, nous avons procédé à des renforcements de capacités des acteurs électoraux, mis en œuvre des projets de conservation des matériels électoraux. Récemment nous avons recruté, formé et déployé une soixantaine d’assistants électoraux et nous nous chargeons de transporter tout le matériel électoral dans les zones où nous sommes déployés. Nous avons également accompagné au plan technique et matériel la Cour Constitutionnelle du Mali, afin qu’elle aussi puisse faire face sereinement aux responsabilités dans la réussite des différents scrutins.

Comme je l’ai dit souvent, autant les élections de 2013 ont permis de rétablir l’ordre constitutionnel après un coup d’Etat, autant les élections de 2018 doivent faire en sorte que les observateurs et les amis du Mali puissent être convaincus que le processus démocratique est irréversible.

Les Maliens le disent souvent, ils sont héritiers d’une grande histoire riche et plurielle. L’élection présidentielle du 29 juillet doit être une occasion pour eux de choisir celle ou celui qui portera leur ambition pour un Mali uni, démocratique, divers et prospère. Nous savons tous que les difficultés sont nombreuses ; la question de la sécurité est réelle. Mais nous estimons que l’occasion est propice pour la consolidation des acquis démocratiques, le raffermissement de l’entente et de l’unité nationale et nous disons que le monde observe les Maliennes et Maliens. Tout ce qu’on peut leur dire aussi bien à ceux qui veulent conserver le pouvoir qu’à ceux qui veulent le conquérir, il faut placer le Mali au-dessus.  

C’est en cela que nous voudrions appeler tous à surmonter leurs divergences et les exhortons à un sursaut collectif car l’élection présidentielle devrait être un épisode parmi tant d’autres dans la vie d’une nation. Le plus important demeure la capacité de tous, malgré les divergences, à préserver ce qui les a toujours uni et qui est le plus cher à savoir la paix, l’unité, la stabilité et la souveraineté du Mali.

Chers amis, j’ai été long, j’en suis sûr mais je suis à votre disposition désormais pour répondre autant que possible à vos questions et préoccupations. Je vous remercie.

Alexis Kalambry (journal « Les échos ») : Je voudrais savoir quelles sont les conséquences de ce nouveau mandat. Est-ce que ça diverge de ce que vous aviez avant ? Vous avez refusé la certification des élections. L’opposition avait demandé la certification. Comment en ce moment, la MINUSMA peut dire si c’est transparent ou pas ?

Hamadoun Maiga (Studio Tamani) : Vous dites que le mandat sera élargi au Centre du Mali. Est-ce que vous savez comment vous allez vous y prendre à propos des conflits intercommunautaires   du moment où vous savez que c’est différent de ce qui se passe au Nord ?

Ma dernière question, c’est que nous savons que tout n’a pas été rose dans votre mission en tant que Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Mali. Qu’est-ce que vous regrettez aujourd’hui ? 

Mahamat Saleh Annadif : la première question était de savoir ce qui différencie ce mandat de ceux qui l’ont précédé. Je l’avais dit tout a l’heure, pour la première fois les membres du Conseil de sécurité ont exprimé de façon claire leur impatience. Et si vous voyez bien les différents paragraphes, pour la première fois ils ont dit, nous allons renouveler ce mandat pour un an et nous allons voir comment vous allez faire dans la mise en œuvre de l’accord. Après un an, le renouvellement ne sera plus automatique. Nous sommes obligés de voir ce qu’il faudrait faire. C’est quand même une grande décision pour dire que le statu quo actuel ne peut pas continuer. Pour le reste, je l’avais dit tout a l’heure, le Centre n’était pas dans notre mandat. Il y a deux paragraphes désormais qui le concerne. C’est une très bonne chose. Et je répondrai tout à l’heure à la question de comment nous allons nous y prendre pour le centre. Mais avant cela, il y avait la question de la certification. C’est vrai que c’est une question que l’opposition a souvent posée. Le Secrétaire général quand il était de passage ici y a répondu. Pour qu’on puisse certifier une élection, il faut un mandat du Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité depuis sa création n’a pas eu à certifier beaucoup d’élections. C’étaient vraiment des exceptions et c’est l’exception qui confirme la règle. Je crois qu’il les a certifiés à un moment donné au Timor-Leste. Il les a certifiés dernièrement en Côte d’Ivoire. C’était dans des conditions réellement exceptionnelles où l’état était balbutiant ; il n’existait pas. Ce qui n’est pas malgré les difficultés, le cas au Mali. En Côte d’Ivoire, vous vous rappelez tous que c’étaient tous les acteurs, y compris ceux de l’opposition et du pouvoir, suite à une rencontre qui a eu lieu en Afrique du Sud, où ils sont partis solliciter l’intervention des Nations Unies.  C’était Gbagbo, Bedié, Ouattara, Soro. Tout le monde, aussi bien l’opposition. Et donc, c’était une situation exceptionnelle. La certification était bonne ou mauvaise ? C’est à l’histoire de le dire. Mais dans tous les cas, après appréciation, le Conseil de sécurité a estimé que le Mali a encore un potentiel pour lui-même organiser ces élections. Evidemment, il y aura des observateurs. Une élection, c’est quoi ? Une élection, c’est une élection bien préparée en amont. Je crois que jusque-là beaucoup d’efforts ont été faits pour qu’en amont beaucoup de choses puissent être préparées. La chose la plus difficile était la loi électorale qui a été consensuelle et elle a été votée au niveau de l’Assemblée.  La chose la plus difficile était l’acceptation par le Gouvernement de l’audit du fichier électoral. Ça été accepté, ça été fait. Et donc maintenant, il reste cette période cruciale. Il y a beaucoup de gens qui sont maintenant ici. L’Union Africaine, la CEDEAO, l’Union Européenne et d’autres qui sont des observateurs et qui vont apprécier les élections. Et c’est à eux de nous dire si réellement les élections ont été transparentes ou pas. Et ce sont eux qui vont représenter la communauté internationale. Et j’ose croire qu’il y a aussi des observateurs nationaux.

Studio Tamani a parlé du fait que nous avons dit que le Centre va être pris en charge dans notre mandat. Comment nous allons nous y prendre ? La question n’est pas facile car ce qui se passe dans le Centre est très complexe. Il est difficile d’étaler ici ce que nous allons faire. Nous avons une idée. Mais il faut savoir que tout ce que nous allons faire dans n’importe quelle partie du territoire malien se fait aussi en concertation avec les autorités. Mais, le fait est que nous ayons maintenant ce mandat clair pour nous dire de nous en occuper. Il faut le dire, nous n’avons jamais cessé de nous intéresser au centre. Nos communiqués sur la question des droits de l’homme, sur un certain nombre de choses le prouvent. Nous avons déployé pratiquement une unité de réaction rapide qui est là. Nous avons un bureau qui existe. Pour dire que nous nous sommes, c’est vrai, déjà intéressés au Centre, malgré que nous n’ayons pas un mandat formel. Ce qui est maintenant formalisé. Je suis sûr que nous allons maintenant renforcer notre présence là-bas et nous impliquer encore plus. Il y a la question sécuritaire mais il y a aussi les conflits intercommunautaires qu’il faudrait tout faire pour les prendre ensemble.

Des regrets ? Je ressens la même chose que les membres du Conseil de Sécurité. Mais pour être opérationnel ici, j’avoue que je suis frustré par le fait que depuis deux ans, nous avons construit au moins huit camps pour le cantonnement des combattants des mouvements signataires. Et jusque-là, ces camps demeurent vides. Pour moi, c’est une grande déception. Et j’estime que ce n’est pas notre volonté ou notre énergie qui a manqué, mais c’est plutôt la réponse des signataires qui a manqué. Et cela, je le ressens. Je vous remercie.

Directeur de publication (Journal Carrefour) :  ma première question est relative à l’attaque du siège de la Force conjointe du G5 Sahel. Vous savez, nous sommes dans un contexte de guerre asymétrique. Est-ce que réellement, il y a une parfaite coordination entre la MINUSMA, Barkhane et la Force conjointe du G5 Sahel ? La deuxième question. On a parlé de charniers au centre notamment à Nantaka et à a Kobaka. Est-ce que les autorités maliennes ont approché la MINUSMA pour qu’il y ait des enquêtes approfondies et pour que les responsabilités soient situées.

La troisième et dernière question, c’est par rapport à la sécurité des candidats. Qu’est-ce que la MINUSMA compte faire ? 

Cherif Abismagel (Journal du Mali) : vous avez parlé de votre frustration et celle de la communauté internationale par rapport à la mise en œuvre de l’Accord. Vous avez parlé des sanctions, on n’en a déjà parlé mais quand est-ce que réellement on va assister à ces sanctions ? Du moment que les parties signataires ne semblent pas être intimidées par ces sanctions.

Mahamat Saleh Annadif : la première question concerne l’attaque du siège de la Force conjointe du G5 Sahel survenue ce vendredi à Sévaré. Et y’a-t-il coordination ou pas ? Je le répète souvent. La force conjointe est autorisée par le Conseil de sécurité à travers un mandat. Barkhane est autorisée par le Conseil de sécurité à travers un mandat. Et la MINUSMA également à un mandat. Chacun de ces mandats fixe les taches de chacun des intervenants. Mais nous avons des accords qui nous lient et il y a un partage de responsabilités, un partage de rôles. Et donc, la coordination dire qu’elle est à 100% ? Les 100% n’existent pas pour moi dans ce genre de choses où il y a énormément d’imprévus, de choses dont l’action doit précéder l’information ou le partage de l’information. Mais de façon générale, nous agissons sous des mandats du Conseil de sécurité et la coordination se passe dans de bonnes conditions. Ce qui n’empêche pas qu’il puisse avoir des manquements ici et là. Ce qui se passe au centre, en particulier à Nantaka et autres, comme nous l’avons dit dans notre rapport sur Boulkessi, nous sommes transparents avec le Gouvernement. Et même le rapport sur Boulkessi, nous l’avons partagé avec le Gouvernement. Aussi bien à Nantaka que d’autres, nous recevons malheureusement tous les jours des informations concernant ce genres de tragédies. Parce qu’il n’y a pas d’autres mots pour les qualifier. Nous sommes en contact permanent avec le Gouvernement. Nous lui avons souvent proposé notre assistance pour faire les enquêtes. C’est vrai qu’il y a un an, deux ans, c’était difficile. Mais aujourd’hui, il y a une évidence que le Gouvernement accepte de coopérer. Etant entendu que nous avons une certaine expertise et que nous faisons en sorte, tout en gardant la distance de la neutralité, que notre coopération avec le Gouvernement se passe dans de bonnes conditions.

Maintenant, la sécurisation des candidats. Comme je le dis toujours, nous sommes déployés dans une partie du territoire. La liste des candidats vient d’être publiée. Nous avons dit et nous avons pris les dispositions en conséquence pour que tout candidat qui veut aller dans ces zones où nous sommes présents, où la présence de l’état est, soit faible soit inexistante, nous avons prévu de transporter un candidat plus deux de ses compagnons, en leur assurant tout ce qui peut venir derrière, pour leur permettre de mener des campagnes dans de bonnes conditions.

Pour ce qui est du Centre, nous sommes en train de travailler avec le Gouvernement sous la responsabilité des Gouverneurs. Et même ailleurs, nous avons, toujours sous la responsabilité des Gouverneurs, associé les mouvements signataires et nous-mêmes pour pouvoir sécuriser les élections ; aussi bien les candidats lorsqu’ils iront battre campagne, que le scrutin, avant et pendant les élections. Les dispositions sont aussi en train d’être prises mais toujours en coordination avec les Gouverneurs qui sont sur place, les mouvements signataires, les autorités intérimaires, et ainsi de suite.

La dernière question vient du responsable du Journal du Mali. C’est vrai que cette question des sanctions a toujours été évoquée. J’ai l’impression qu’il y a une impatience pour dire : mais à quand ? Malheureusement, c’est le Conseil de sécurité qui répond. Je me rappelle la dame qui était ici, je crois, la correspondante de TV5 ou France 24, m’avait déjà posé la même question, il y a deux ans au sortir de la salle, pour dire : « mais à quand les sanctions ? ». Je crois que les choses ont commencé à murir pour que le Conseil de sécurité puisse vraiment apprécier et commencer cela. Je sais qu’il a réuni suffisamment d’éléments maintenant et j’ose croire que ça ne va pas tarder, parce que vous savez, le Conseil de sécurité, c’est quand même un Conseil qui a une certaine réputation, qui a une certaine crédibilité. Il ne veut pas non plus prendre quelque chose qui n’a pas encore atteint la maturation. Je crois que là maintenant, il y a des éléments qui s’accumulent suffisamment. Et je suis absolument certain, et je ne serai pas surpris, que bientôt, quelque chose va être réellement déclaré. Je vous remercie.

Kébé Mady (Journal le jour) : L’ancienne Résolution avait réaffirmé son soutien aux forces de défense et de sécurité du Mali. Alors, je voudrais savoir comment se porte la collaboration entre la MINUSMA et les forces de défense et de sécurité sur le terrain. J’ai une autre question sur l’humanitaire. Quelles sont les grandes actions posées par la MINUSMA sur le terrain auprès de la population ? Troisième question : nous regrettons tous que la MINUSMA soit la mission la plus meurtrière. Alors, de l’ancienne résolution à la nouvelle, combien d’hommes avez-vous perdu sur le terrain ?

Bouba Kante (Journal le figaro du Mali) : À entendre le Représentant spécial du Secrétaire général, nous sentons une frustration. Non seulement des forces de la MINUSMA mais aussi certainement de la part de l’Etat. Alors ce que j’aimerais savoir, à qui profite donc cette situation de non guerre et non paix au Mali ?

Mahamat Saleh Annadif : la première intervention concerne trois séries de questions : le soutien aux forces de défense et de sécurité maliennes, les questions humanitaires et les pertes.

Pour ce qui est des pertes, je n’aime pas toujours faire, comme je l’ai dit, ce décompte macabre. Je crois qu’aujourd’hui, il est de notoriété publique, lorsque vous consultez n’importe quel rapport, vous savez que nous sommes l’une des missions les plus meurtrières. Déjà, en actions hostiles, nous avons franchi la barre des 100. Et le rapport du Secrétaire général, le dernier, les énumère dans les détails. Je préfère plutôt faire référence à ce rapport que de le répéter. Ce ne sont pas des choses que j’aime répéter. 

La guerre ou la frustration de ni paix, ni guerre. Tout ce que nous faisons, c’est pour les Maliens et les Maliennes. Tout ce que je sais, c’est qu’elle ne favorise pas les Maliens et les Maliennes. Et quelques soient les efforts de la communauté internationale, la paix, la stabilité et même la paix doivent être mûris dans les têtes des Maliens eux-mêmes. Toute personne qui vient de l’extérieur ne pourra qu’appuyer les Maliens. Que les Maliens décident eux-mêmes dans leur mentalité, dans leur acception, que nous devons arrêter cela. Je crois que l’Accord pour la paix et la réconciliation était un document signé par les Maliens. Même si je reconnais qu’il a des failles, qu’il a des insuffisances. Même si j’estime qu’il peut apporter, qu’il peut répondre à votre question de ne pas faire en sorte que nous soyons dans une situation de ni guerre, ni paix. Donc c’est pour dire que les Maliens détiennent au moins 80% à 90% de cela. Et nous ne pouvons encore que leur lancer un appel pour pouvoir aller vers une paix des cœurs, une paix des braves parce que la guerre ne pourra jamais résoudre les problèmes du Mali.

Maintenant, je préfère pour ce qui est du soutien aux Forces de défense et de sécurité, les questions humanitaires, je préfère dans un premier temps donner la parole au Commandant de la force, le General Deconinck, pour vous parler du soutien que nous accordons aux forces de défense et de sécurité malienne. Et Madame Mbaranga va vous parler de tout ce qui est lié aux questions humanitaires et tout ce qui s’y rattache parce que les questions humanitaires ne sont pas qu’un bout isolé car elles se déclinent à travers plusieurs actions.

Alexis Touré (Journal le radar) :   j’ai une inquiétude, une précision à demander au Représentant spécial du Secrétaire général, étant donné que la MINUSMA, c’est la Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Mali. Je ne sais pas si le nom, la nomenclature colle avec le mandat. Puisque, beaucoup de Maliens pensent que les actions sont tournées vers le Nord. Ce n’est pas la MINUSNO, la Mission des Nations Unies pour le Nord ou encore la MINUCE, la Mission des Nations Unies pour le Centre. C’est la MINUSMA, pour la stabilisation du Mali. Je profite d’ailleurs pour féliciter la Division des affaires civiles de la MINUSMA qui est intervenue récemment dans le Mandé, qui est a 40 ou 60 kms de Bamako, dans la gestion et la prévention des conflits intercommunautaires. Ça s’est très bien passé d’ailleurs. Et je profite pour féliciter votre division des affaires civiles pour cela. Maintenant, est-ce que la MINUSMA pourrait améliorer sa communication pour étendre, élargir ses actions dans le cadre de la gestion des conflits, et aussi le reste du Mali pour que les gens puissent savoir que si vous montez un dossier, vous approchez la MINUSMA pour vous accompagner, elle va intervenir et vous donner une suite logique à cela.

Ma deuxième inquiétude, c’est que le Représentant spécial du Secrétaire général vient de nous informer que la MINUSMA a fait 8 camps. Et que malheureusement, ces camps ne sont pas… ce n’est pas d’abord équipé, ou je ne sais pas si ce sont les groupes armés qui ne sont pas cantonnés. Et nous, pour vous aider dans vos missions. Je sais qu’il y a beaucoup de confrères qui souhaitent faire des reportages au nord, ailleurs. Mais la dégradation des routes, l’insécurité... Ils ont des difficultés à se procurer le sésame, le MOP pour aller faire un reportage à Kidal, à Ménaka, à Ansongo pour un confrère. Je ne sais pas si c’est facile pour les autres. Mais au niveau de la MINUSMA ça nous crée des problèmes si on veut faire un reportage ou si on veut aider la MINUSMA.

Mahamat Saleh Annadif : Merci d’abord pour la concision de la question. Vous vous rappelez que la MINUSMA a été déployé en 2013. Vous savez qu’en 2013, quand la résolution a été prise en avril 2013, le Mali était encore sous gouvernement de transition. C’était, vous vous rappelez, dans la foulée de janvier 2013, l’attaque de Konna et autres, où vraiment tout le Mali allait basculer. Le nom a été, ou l’appellation ou le sigle, l’acronyme était celui-là. Dire qu’il faudrait le réadapter ou pas. C’est une question qu’on peut se poser. Quand on parle de la stabilisation du Mali, le Mali est un tout. C’est comme un corps. Quand une partie ne va pas, c’est l’ensemble du corps qui en souffre. Et donc je crois que le nom est encore approprié quand ça concerne la stabilisation du Mali de façon générale. Quand on parle des élections, elles ne se déroulent pas qu’au Nord. Quand il y aura la paix, même si elle est au Nord, elle aura des conséquences dans le Sud. Donc c’est un débat mais je suis parfaitement d’accord avec vous que la question peut se poser parce que beaucoup de gens nous disent qu’on ne s’occupe que du nord. Ça c’est la réalité mais je crois qu’il faudrait partir du fait que la paix du Nord, et nous le disons. Nous disons aujourd’hui que la situation s’est dégradée au niveau du centre. C’est la conséquence de la non mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale qui a fait qu’aujourd’hui, le centre est ce qu’il est. Ça, il faudrait que les signataires acceptent cette vérité.

On a des unités, c’est vrai, qui font beaucoup de travail. Vous avez parlé des unités de la division affaires civiles, on a la division des affaires politiques qui fait des analyses. On a les unités de la division des droits de l’homme. Il y a énormément de choses qui se font et c’est vrai que moi je l’ai toujours dit : est-ce que nous devons faire la publicité de ce que nous faisons pour au moins informer les Maliens ? Malheureusement, les Maliens, et ça je l’ai constaté depuis que je suis là, ne sont concentrés que sur la lutte contre le terrorisme. Tant que la MINUSMA ne fait pas la lutte contre le terrorisme, c’est comme si tout le reste est négligeable. Non. Ça va au-delà. Le terrorisme aujourd’hui ne concerne pas seulement le Mali, c’est un phénomène mondial qui demande une réponse mondiale qui demande une réponse mondiale. Mais au-delà, la stabilisation du Mali est quelque chose d’extrêmement important parce que l’unité des Maliens, la réconciliation, la reconstruction, ça aussi peut aider à la lutte contre le terrorisme. Je crois que de ce point de vue, nous disons la même chose.

Maintenant, je suis un peu gêné par cette question que nous ne pouvons pas faciliter le voyage de certains journalistes. D’après ce qu’on m’a dit, c’est que dernièrement même, il y a eu un groupe qui était parti, peut-être que le frère n’était pas associé. Je voudrais que plutôt Myriam réponde à cette question de la façon la plus claire et la plus précise possible. Parce que moi, je ne connaissais pas bien le Mali avant que je n’arrive ici. L’une des leçons parce que tout à l’heure on m’a demandé ma frustration. Et l’autre chose que j’ai quand même apprise au Mali, et en tant qu’Africain je suis fier. C’est le rôle de la presse. Beaucoup de gens me disent que ce sont les conséquences des évènements de 1992. Aujourd’hui, pour moi la presse au Mali joue réellement son rôle de quatrième ou cinquième pouvoir, je ne sais pas. Mais je constate qu’elle est beaucoup lue, beaucoup écoutée. Et moi au matin avant que je ne commence quoi que ce soit, je lis au moins tous les titres de tous les journaux qui sont sur mon bureau. Et je trouve que de ce point de vue, il y a lieu de féliciter la presse malienne parce que même quand je discute avec les acteurs politiques, on tient compte beaucoup de vos titres, on tient compte beaucoup de ce que vous dites. C’est pour cela que je dis qu’on est à un tournant qui est celui des élections. Vous avez une grande responsabilité. Votre ligne éditoriale devrait être adaptée à ce défi, a ce contexte pour dire Maliens ok, l’enjeu des élections est crucial mais pensons d’abord à préserver un peu cette poule aux œufs d’or parce que si elle n’est pas la ni celui qui veut conquérir le pouvoir, ni celui qui veut le conserver, ne pourra pas le faire. Donc si vraiment on peut s’entendre, pour que la presse, ne serait-ce que pendant ce laps de temps, maintenir une ligne réelle, pour dire oui aux élections mais pas à la destruction du Mali. Si on peut vraiment s’entendre sur cela, moi j’estime que ça ne peut que vous renforcer et nous sommes prêts à vous accompagner pour cela. Pour la question, l’autre question, je préfère que Myriam y réponde.

Mes conclusions, c’est plutôt des remerciements et des encouragements tout simplement. Et le plaisir que nous ressentons chaque fois que nous retrouvons nos sœurs et nos frères. Sachez que je vous lis beaucoup. Je vous remercie.