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Uvira : une cinquantaine de jeunes sensibilisés aux discours de haine

L’activisme des groupes armés locaux et étrangers, les conflits de pouvoir coutumier et les conflits fonciers seraient à l’origine des messages incitatifs à la haine, estime le BCNUDH. Photo d'archives/MONUSCO

« Nous, jeunes, devons changer de mentalité. On ne doit pas céder aux caprices des politiciens qui ne nous amènent à rien. Notre avenir en dépend. Si vous voyez que c’est un message qui n’a pas de valeur, en tout cas ça ne sert à rien de le partager. Nous devons éviter de propager des messages incitant à la haine ».

Jeanne Love Asumani, présidente de la jeunesse du quartier Songo, dans la ville d’Uvira, au Sud-Kivu, a fait cette déclaration le 15 juin 2022 à l’issue d’une sensibilisation à propos des messages et discours incitatifs à la haine menée par le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme (BCNUDH). 

Avec elle, près de cinquante leaders locaux d’Uvira issus des institutions étatiques, de la jeunesse, de la société civile ainsi que des mutualités ethniques ont pris part à cette activité qui fait partie de la stratégie des Nations Unies contre les discours de haine lancée en 2019 par le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.  

Menace contre la protection des civils

Selon le facilitateur de l’activité, Germain Musombo du BCNUDH/MONUSCO, « les discours et messages incitant à la haine se présentent comme une alerte dans le cadre de protection des civils. C’est pourquoi on doit les combattre, on doit anticiper pour prévenir le pire », a -t-il dit. Il a en outre expliqué les instruments internationaux qui répriment ce genre de message.  

De con côté, le procureur de la République près le parquet de grande instance d’Uvira a circonscrit le cadre juridique national qui réprime les discours à la haine ethnique, tribale et raciale. Les différents orateurs ont ainsi invité les participants à supprimer ce genre de messages au lieu de les partager et à en décourager les auteurs.

Dénonçant un cas concret, le porte-parole du mouvement Engagement citoyen pour le changement (ECCHA), Samy Bitangalo, a évoqué le pillage récent d’une église appartenant à une communauté locale à la suite de messages incitants à la haine. 

« On est allé attaquer et vandaliser le bâtiment d’église de nos frères banyamulenge avec l’histoire de kidnapping des enfants. On avait soupçonné qu’il y avait des armes qui étaient cachées dans l’église. Après les enquêtes, il s’est avéré que c’était seulement un prétexte, un mensonge. C’étaient des messages qui étaient éparpillés dans les réseaux sociaux et qui ont produit ces effets-là », a-t-il relaté. 

Mise en garde envers les auteurs

Au cours des échanges, les participants ont constaté que les jeunes d’Uvira sont à la fois victimes et auteurs de propagation de ces messages incitatifs à la haine à travers les réseaux sociaux, surtout en cette période de crise au Nord-Kivu.

C’est ainsi que l’inspecteur principal de l’auditorat militaire de garnison, le major Buroko Bahati, a lancé une mise en garde, aussi bien envers les civils que celles détentrices de l’autorité de l’Etat, dont les militaires et les policiers, en vue de les prévenir de commettre ces actes.  

« La loi est claire. Toute personne trouvée, attrapée en train d’inciter à la haine entre les communautés, entre les populations, est punissable par la loi. Et c’est le code pénal congolais qui sanctionne. C’est question de tomber sur l’auteur, celui qui a incité, nous l’arrêtons conformément au code congolais », a-t-il expliqué. 

L’inspecteur Buroko Bahati regrette que de tels actes ne soient pas davantage dénoncés pour permettre leur répression. Il prévient toutefois que « le civil de son état qui a incité les autres à la haine, nous nous saisirons de lui, on le juge et on le défère devant son juge naturel qui est le parquet civil. Tout militaire qui sera attrapé sera sévèrement sanctionné et condamné. Puisque, pour les militaires, on parle de la discrimination et incitation aux personnes à commettre des actes contraires, la loi est là pour les sanctionner. C’est le code pénal militaire ». 

L’activisme des groupes armés locaux et étrangers, les conflits de pouvoir coutumier et les conflits fonciers qui minent la région seraient à l’origine des messages incitatifs à la haine, estime le BCNUDH. C’est ainsi que les Nations Unies multiplient les sensibilisations contre ces phénomènes. Après Uvira, l’équipe du BCNUDH s’est envolée vers la ville de Baraka, dans le territoire de Fizi, afin d’y mener cette même sensibilisation.