Écrit par Elssa Gbeily, une consultante en communication stratégique originaire de Belgique et du Liban, dont le travail au Département des opérations de paix de l’ONU se concentre sur les questions de genre. Elle est spécialisée dans la problématique femmes-hommes et les questions de paix et de sécurité.
Les femmes sont toujours sous-représentées dans les métiers liés à la sécurité nationale et dans les opérations de paix, malgré des preuves bien établies que leur participation permet aux institutions chargées de la sécurité de fonctionner plus efficacement et promeut une paix durable. Un rapport inédit de l’ONU, intitulé Equal Opportunities for Women in the Defence Sector (« Égalité des chances pour les femmes dans le secteur de la défense »), réitère que l’égalité des sexes est essentielle pour parvenir à la paix et à la sécurité; cependant, les femmes continuent de rencontrer des obstacles à leur recrutement, à leur maintien en fonctions et au développement de leur carrière à tous les niveaux des institutions de sécurité.
Malgré tout, des femmes remarquables font tomber les barrières dans le secteur de la sécurité partout dans le monde. Partez à la rencontre de trois femmes extraordinaires qui, par leurs qualités de chef de file, sont à l’origine de changements transformateurs dans leur communauté, des institutions nationales de sécurité et des opérations de paix de l’ONU:
1. Générale de brigade Léa Yangongo – République centrafricaine
Véritable pionnière, la générale de brigade Ghislaine Léa Yangongo s’est hautement distinguée dans l’armée de la République centrafricaine, où seulement 5% de ses collègues sont des femmes. Elle a rejoint les Forces armées de la Centrafrique (FACA) en 1997, devenant ainsi la première femme officier diplômée de l’école militaire de son pays. Elle est actuellement Secrétaire générale du Conseil supérieur de la condition militaire, la seule femme du pays à ce rang. Elle participe, en partenariat avec la mission de maintien de la paix des Nations Unies en République centrafricaine, la MINUSCA, à la mise en œuvre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité, un cadre mondial visant à promouvoir l’inclusion des femmes dans les efforts de consolidation de la paix, y compris dans les négociations de paix et les activités de maintien de la paix et de reconstruction d’après conflit.
« L'armée est avant tout un milieu masculin. Lorsque je me suis engagée, j'ai dû m'adapter à cet environnement. Cela n'a pas été facile, mais j'y suis arrivée », a-t-elle dit. « Si nous nous engageons tous dans la voie de l'égalité entre les hommes et les femmes, notre pays connaîtra la paix ! »
2. Victoria Luka – Soudan du Sud
Dans l’État de l’Équatoria-Occidental, au Soudan du Sud, la sous-cheffe Victoria Luka milite en faveur de l’autonomisation des femmes et de la protection communautaire. Grâce au soutien de la mission de maintien de la paix au Soudan du Sud, la MINUSS, elle encourage les femmes à constituer des groupes de protection pour surmonter les problèmes de sécurité locaux et permettre aux plus vulnérables d’avoir voix au chapitre en matière de maintien de la sécurité locale. Ces groupes jouent un rôle essentiel dans les domaines de l’alerte précoce, de la sensibilisation et du plaidoyer, ainsi qu’en tant que coordonnateurs entre la communauté locale et les acteurs concernés pour faire face aux nouvelles menaces, notamment la violence sexuelle et fondée sur le genre.
« Les femmes doivent former des groupes tels que des groupes de protection afin de s’autonomiser. Laissons les femmes se donner les moyens d’agir, de sorte que personne ne soit laissé pour compte », a encouragé la sous-cheffe Luka.
3. Capitaine Esinam Damu Baah – Ghana
La capitaine Esinam Damu Baah, du Ghana, était, en 2023, commandante du peloton d’engagement au sein de la mission de maintien de la paix au Liban, la FINUL. Elle faisait preuve de compassion et de détermination en exerçant ses fonctions de maintien de la paix, ayant ainsi gagné la confiance des communautés locales, en particulier des femmes et des filles qui hésitent souvent à parler aux Casques bleus hommes. Son travail est la preuve qu’un maintien de la paix inclusif permet d’atteindre davantage les membres d’une communauté et de les protéger plus efficacement.
« Je peux parler à toutes les femmes dans toutes les localités, car elles me voient comme une femme et non pas comme une menace », a-t-elle expliqué après son déploiement dans le sud du Liban.
Des leaders comme la générale de brigade Yangongo, la sous-cheffe Luka et la capitaine Baah font des progrès au sein des institutions de sécurité, qui sont toujours, d’après une citation tirée* du le rapport de l’ONU, des « sanctuaires de l’hypermasculinité ».
Le maintien de la paix de l’ONU s’efforce de promouvoir l’inclusion des femmes dans les institutions nationales de sécurité et dans les opérations de paix afin d’encourager l’émergence de ces leaders. Comme le souligne le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, « sans la participation pleine, égale et effective des femmes à toutes nos activités [...] nous risquons de ne pas obtenir de résultats pérennes ».
* Dalia Ghanem et Dina Arakji, Women in the Arab Armed Forces (Beyrouth, Carnegie Middle East Center et Arab Institute for Women à l'Université Libanaise Américaine,
2020).
Cette histoire fait partie de la série d'histoires « Action pour le maintien de la paix » (A4P) qui rend compte des efforts déployés par l'ONU, ses États Membres et d'autres partenaires pour renforcer les opérations de maintien de la paix, ainsi que leur impact sur les personnes vivant dans les zones de conflit.
Les femmes et la paix et la sécurité est un pilier du programme A4P et de sa stratégie de mise en œuvre A4P+, qui visent à promouvoir la participation pleine, égale et effective des femmes aux processus politiques et de paix. Il est primordial pour améliorer l’efficacité des activités menées par les missions de maintien de la paix et garantir une paix plus durable.