Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), les réserves de nourriture et d’eau s’épuisent à Goma et dans les zones environnantes.
« La nourriture s’épuise. L’eau est rare. Les hôpitaux sont débordés. Déplacées et déracinées par le conflit - encore une fois - les familles se déplacent sans savoir où elles sont en sécurité », a alerté le PAM sur le réseau social X.
L’agence onusienne se dit prête à reprendre l’aide alimentaire dès que la situation sera « sûre ». « Mais nous avons besoin d’un accès humanitaire maintenant », a insisté sur X, le bureau du PAM en RDC.
« J’étais à Goma jusqu’à vendredi dernier, j’ai pris l’un des derniers avions avant la fermeture de l’aéroport. Même à ce moment-là, le chaos régnait. Aujourd’hui, la situation humanitaire s’aggrave d’heure en heure », a déclaré Cynthia Jones, Représentante adjointe du PAM en RDC.
Situation tendue et volatile à Goma
Le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, a indiqué, jeudi, lors de son point de presse quotidien, que la situation à Goma restait « tendue et volatile, avec des tirs occasionnels dans la ville ».
« L'eau et l'électricité sont coupées depuis près d'une semaine et les munitions non explosées demeurent un sérieux obstacle à la liberté de mouvement des personnes, des humanitaires et des soldats de la paix », a-t-il ajouté.
Il a précisé que la Mission de paix de l'ONU, la MONUSCO, a pu effectuer quelques patrouilles de reconnaissance mercredi dans la ville pour commencer le processus d'évaluation des dégâts et un certain nombre de positions de maintien de la paix ont pu être réapprovisionnées. La piste de l'aéroport de Goma a subi des dégâts importants lors des récents combats et reste non opérationnelle.
Le leadership de la MONUSCO multiplie les contacts sur le front politique en faveur d'une cessation des hostilités, a dit M. Dujarric. Mercredi, la cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita, a rencontré la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, les principaux ministres ainsi que les dirigeants de l'armée et de la police congolaises.
Le M23 avancerait vers Bukavu
L'ONU est aussi particulièrement préoccupée par la situation au Sud-Kivu, « qui reste très instable, avec des informations crédibles selon lesquelles le M23 avance rapidement vers la ville de Bukavu », a dit M. Dujarric.
« En outre, nos collègues de la mission de maintien de la paix affirment que des mouvements transfrontaliers des Forces de défense rwandaises (RDF) se dirigent vers cette ville », a-t-il ajouté, précisant également qie « des affrontements continuent d’être signalés entre le M23 et les forces armées congolaises et les forces alliées au sud de Minova, au Sud-Kivu ».
Pour rappel, les Casques bleus de l'ONU se sont retirés de la province du Sud-Kivu en juin de l’année dernière.
Cri d'alarme du Coordinateur humanitaire
De son côté, le Coordonnateur humanitaire en RDC, Bruno Lemarquis, a souligné jeudi qu'après plusieurs jours d’affrontements intenses, la ville de Goma fait désormais face aux conséquences désastreuses des combats, « avec des besoins humanitaires massifs et des capacités de réponse gravement affectées ».
« Les infrastructures médicales sont débordées. Le manque de médicaments, d’équipements et de personnel soignant met en péril la prise en charge des blessés et augmente le risque de pertes humaines », a-t-il indiqué dans un communiqué de presse.
Il a ajouté que les services de base sont en grande partie paralysés. L’électricité et l’eau potable restent coupées depuis plusieurs jours, forçant la population à puiser directement dans les eaux non traitées du lac Kivu. Cette situation expose des milliers de personnes au risque immédiat de maladies hydriques telles que le choléra. Les morgues sont saturées, et les corps sans vie laissés dans les rues de la ville posent un risque sanitaire majeur pour les survivants.
Les humanitaires sur place poursuivent leurs opérations malgré des conditions extrêmement précaires, a-t-il dit.
Le Coordinateur humanitaire a condamné les pillages des bureaux et entrepôts humanitaires. « Ces actes sont inacceptables et constituent une violation du droit international humanitaire. Ils compromettent directement l’acheminement de l’aide vitale aux populations les plus vulnérables », a-t-il dénoncé.
Pillage d'entrepôts humanitaires
Le PAM a indiqué qu'il surveillait l'évolution de la situation afin d’acheminer l’aide là où c’est possible.
Pour l’instant, « la sécurité est primordiale », a dit Peter Musoko, Représentant du PAM en RDC. L’objectif est d’atteindre 800.000 personnes dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri - 5,1 millions de personnes étaient déjà déplacées dans les trois États de l’Est avant la crise actuelle.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a indiqué que la violence et le pillage des entrepôts humanitaires à Goma ont affecté la capacité d’intervention des travailleurs humanitaires et les mettent en danger.
Sur le terrain, l’aéroport de Goma reste fermé, ce qui signifie que les flux de fret humanitaire et les rotations de personnel humanitaire ont été suspendus. La plupart des routes qui relient Goma au reste du pays sont également fermées.
25 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire
Le conflit dans l’est de la RDC a connu un tournant avec la prise de Goma, grande ville de plus d’un million d’habitants, par le M23, soutenus par le Rwanda.
La prise de Goma après une offensive éclair de quelques semaines, a suscité de nombreux appels à la fin des combats et au retrait des troupes rwandaises, de l’ONU aux Etats-Unis, de la Chine à l’Union européenne ou l’Angola.
Plusieurs chancelleries accusées de fermer les yeux sur les actions de Kigali ont été attaquées mardi par des manifestants à Kinshasa.
Avant la récente escalade, près d’un quart des 25,6 millions d’habitants du pays se trouvaient déjà en situation de « crise » et d’« urgence » en matière de sécurité alimentaire, selon la classification intégrée des phases alimentaires. Au cours des cinq prochains mois, 4,5 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans et 3,7 millions de femmes enceintes et allaitantes devraient souffrir de malnutrition aiguë dans toute la RDC.
Risque d'une forte hausse du nombre d’enfants non accompagnés
De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) indique avoir reçu des rapports signalant une hausse alarmante du nombre d’enfants séparés de leur famille ou non accompagnés, les exposant à un risque accru d’enlèvement, de recrutement forcé et de violences sexuelles.
« On a eu des alertes, on a eu aussi des rapports comme quoi plusieurs enfants avaient été victimes de violations graves. Quand on dit violations graves, c’est malheureusement c’est la mort de certains d’entre eux, c’est le viol aussi, c’est l’enlèvement, c’est l’utilisation des enfants dans les cadres de combat ou pour le travail pour certaines parties au conflit », a déclaré dans un entretien accordé à ONU Info, Jean-Jacques Simon, porte-parole du Bureau régional de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale.
Selon l’agence onusienne, il s’agit « d’allégations très sévères et très graves, qu’elle doit vérifier ». Mais l’urgence est de refaire la chaîne d’information pour localiser ces enfants déplacés et voir dans quelles conditions ils vivent dans cette partie orientale de la RDC.
Près de 300.000 enfants dans le besoin
Cette alerte survient alors que les camps de déplacés se sont « vidés extrêmement rapidement » en raison de l’intensité des combats. L’UNICEF pense qu’il y a beaucoup d’enfants qui ont été malheureusement détachés de leurs familles ou de leurs proches.
« Ce sont des milliers et des milliers de civils qui ont des besoins immenses », a ajouté M. Simon.
D’une manière générale, l’UNICEF estime à près de 300.000 le nombre d’enfants qui ont un besoin urgent d’aide dans l’Est de la RDC. Ils ont ainsi besoin d’eau potable, d'installations sanitaires adéquates, de médicaments, de vivres, mais aussi de traitements liés à la malnutrition sévère ainsi que de services de protection de l’enfant.