Bienvenue aux Nations Unies

POINT DE PRESSE DE LA MINUSMA DU 19 MARS 2020

Porte-parole : Olivier Salgado

Bienvenus à tous au point presse de la MINUSMA. Bonjour aux auditeurs et auditrices de Mikado FM qui nous écoutent et merci pour votre fidélité.

Aujourd’hui je reçois Monsieur Guillaune Ngefa, Directeur de la Division des Droits de l’Homme et de la Protection pour la présentation des « Conclusions finales de la mission d’enquête spéciale sur les graves atteintes aux droits de l’homme commises à Ogossagou le 14 février 2020 ».

Tout d’abord, quelques mises à jour sur la Mission de l’ONU au Mali

Direction de la Mission

Libération de deux otages

Le 13 mars, deux otages Edith Blais de nationalité canadienne et Luca Taccheto de nationalité italienne qui avaient été enlevés par de présumés djihadistes au Burkina Faso en décembre 2018, alors qu'ils se rendaient par la route au Togo, ont été retrouvés dans les environs de Kidal par une patrouille de la Force de la MINUSMA. Ils ont été transportés à Bamako par la MINUSMA le lendemain, le 14 mars, où ils ont été accueillis par le Représentant spécial Mahamat Saleh Annadif et remis aux autorités maliennes.

Prévention et lutte contre le Covid-19

Face à la pandémie, la MINUSMA a procédé à la mise en place d’un groupe de travail dédié au Covid-19.

Le personnel de la MINUSMA observe strictement toutes les mesures nécessaires, en accord avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé et en totale collaboration avec les autorités nationales. Tout le personnel de la MINUSMA est ainsi invité à observer strictement les directives nationales en vigueur.

Dans un communiqué publié hier, la Mission détaillait les mesures prises :

Pour renforcer les mesures mises en place par le gouvernement et par mesure de précaution, quand ils rentrent au Mali depuis une zone affectée, tous les personnels civils, police et militaires de la MINUSMA sont systématiquement mis en auto-isolation pour une durée de 14 jours. La Mission a pris les dispositions nécessaires et a mis en place un centre de transit à cet effet. La tenue de toute réunion publique, atelier ou séminaire est étudiée au cas par cas, et leur capacité suit strictement les recommandations gouvernementales. Des mesures sanitaires appropriées ont déjà été prises et adoptées par l’ensemble du personnel, dans tous les bureaux ou installations de la MINUSMA, une ligne d’assistance médicale dédiée a été établie. Un principe général de télétravail est en cours, la présence physique du personnel au quartier général de Bamako s’organisera afin de réduire les effectifs présents, tout en assurant la continuité des opérations.

Par ailleurs, la MINUSMA est déterminée à poursuivre sa mission et surmonter les défis aux côtés du peuple malien et elle déplore la diffusion de fausses informations et rumeurs. La Mission continuera de communiquer régulièrement et en toute transparence sur l’évolution de la situation.

Enfin, nous souhaitons que l’opinion retienne que nous avons anticipé, nous nous sommes préparés et restons extrêmement adaptables face à l’évolution de la situation.

Appui de la MINUSMA au processus électoral

Déploiement du matériel électoral

La MINUSMA a commencé depuis le début du mois de mars le déploiement de 2,154 tonnes de matériel électoral dans les régions du Nord et du Centre du Mali conformément à son Mandat et à la demande d’appui du Gouvernement.

Participation à la sécurisation des élections

Le 13 mars à Mopti, la MINUSMA Mopti a dispensé une formation aux Forces de défense et de sécurité du Mali (MDSF) sur la sécurisation des élections. Vingt officiers de police, dix gendarmes, dix gardes nationaux et cinq agents de la protection civile en ont bénéficié.

Sensibilisation aux élections

Les 17 et 18 mars, avec l’appui de la MINUSMA, le ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) a organisé à Bamako un atelier de formation au profit des journalistes, membres du Club « Médias et Elections », animateurs et blogueurs sur la couverture médiatique des élections.

Cette formation vise à outiller 60 journalistes à l’information et à la sensibilisation de manière méthodique et efficace pour un processus électoral inclusif, sécurisé, crédible et pacifique. A cette occasion, le Centre d'information électorale a été officiellement lancé.

Du 11 au 12 mars à Bamako, un atelier organisé par la MINUSMA a permis de sensibiliser près de 90 participants à la prévention des violences ainsi qu’aux menaces et risques liés aux élections. Les participants ont formulé plusieurs recommandations, notamment la création d’un organe unique de gestion des élections et l’éducation civique.

Une série de sessions de formation et de sensibilisation dans les localités de Tessalit, Anéfis et Kidal pour des élections apaisées et la résolution pacifique des conflits a également été lancée. Elles se sont tenues à Aguelhok les 10 et 11 mars.

Les 10 et 11 mars, la MINUSMA a appuyé un atelier de deux jours sur la « transparence du processus électoral au Mali » organisé par le ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation. Ainsi, 300 acteurs électoraux étaient présents, notamment les partis politiques, les organisations de la société civile, les organes de gestion des élections, et certains Partenaires techniques et financiers (PTF) impliqués dans le processus électoral. Le but de cet atelier était de générer un débat ouvert et large sur la transparence du processus électoral au Mali.

Droits de l’homme et élections

Le 10 mars, la MINUSMA a organisé une session de formation sur les droits de l'homme et les élections pour 21 acteurs de la société civile à Sévaré. L'objectif de l'activité était de renforcer la capacité des organisations de la société civile à mener à bien la surveillance des droits de l'homme dans le processus électoral. Les droits et libertés liés aux élections et sur les considérations de genre ont été les principaux sujets abordés.

Nouvelles du Fonds fiduciaire pour la paix et la sécurité au Mali

Le 11 mars à Gao, la MINUSMA a procédé en présence de représentants de deux pays donateurs du Fonds fiduciaire, la Norvège et de Suède, à l’inauguration d’un projet à impact rapide sur la relance économique des femmes au travers de la Case de la paix.

Comprenant une salle d’exposition, un bassin de décantation des eaux usées de teinture et de tannerie entre autres, ces infrastructures permettront aux femmes membres de la Case de la paix d’acquérir une plus grande autonomie financière.

A l’occasion cette visite, les bailleurs se sont également rendus sur le chantier d’installation de lampadaires solaires et des feux de signalisation afin de suivre son évolution. Le projet vise à implanter au total 320 lampadaires (dont 250 à Gao et 70 à Tombouctou). La délégation s’est rendue à la « Cité perdue » pour visiter l’installation de 11 nouveaux lampadaires. La contribution financière de la Norvège et de la Suède aux projets s’élève à 664 millions FCFA.

SSR-DDR

Appui à l’Armée reconstituée à Kidal

La MINUSMA a remis le 17 mars aux FAMa reconstituées à Kidal des bureaux et de l’équipement informatique pour son bon fonctionnement du camp.

Lutte contre l’extrémisme violent

En collaboration avec le ministère des Affaires religieuses et du Culte (MARC), la MINUSMA a organisé du 10 au 11 mars, un atelier de partage d’informations et de sensibilisation sur la politique nationale de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme ainsi que son plan d’action 2018-2020.

L’événement a rassemblé plus de 60 participants représentant la société civile, des groupes de jeunes et de femmes de Bamako et des régions, le MARC, des chefs religieux et la MINUSMA. Dans ce cadre, la MINUSMA a réhabilité plusieurs bâtiments à usage de bureau à Bamako, Mopti et Gao. Deux centres communautaires et de formation pour les jeunes sont en construction à Mopti et Gao.

Appui aux communautés

Activités génératrices de revenus

La MINUSMA a finalisé le 10 mars le Projet d’appui à l'Association professionnelle des femmes rurales de la région (ASPROFER) visant à améliorer leurs conditions de vie au travers d’activités génératrices de revenus. Ce projet permettra aussi de renforcer des capacités des femmes dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage et à renforcer la cohésion sociale dans les cercles de Djenné, Bankass et Douentza, tous situés dans la zone exondée de la région de Mopti.

Construction d’un bassin de décantation des eaux usées à Gao

La MINUSMA a remis le 11 mars aux autorités Gao le bassin de décantation pour les eaux usées de la ville. Il a coûté plus de 26 000 000 de FCFA.

Dialogue intercommunautaire

Appui aux comités communaux de réconciliation de la région de Kidal

Depuis le 17 mars et pendant 5 jours, 46 membres des comités de réconciliation communaux de la région de Kidal participent à une formation pour le renforcement de l’éducation civique et le dialogue communautaire. A long terme, l’objectif est de mettre en place un mécanisme local capable d’alerter, d’anticiper et de traiter toute aggravation des tensions intercommunautaires.

Accord entre dogon et peul à Daydourou

L’accord commun est intervenu le 10 mars entre les dirigeants locaux Dogon et Peul de la localité de Daydourou pour poursuivre la voie de la réconciliation et restaurer la cohésion sociale dans la région. Leur rencontre a également été l’occasion de discuter des problèmes de sécurité des habitants, notamment les déplacés internes. Elle constitue une avancée majeure dans le processus de réconciliation inclusif.

Accord de paix local à Toguere-Coumbe

Le 3ème forum de réconciliation à Toguere-Coumbe dans la région de Mopti a servi de plateforme pour discuter de la gestion des ressources naturelles locales identifiée comme un problème à la base du conflit qui a séparé les deux communautés de la région. Les représentants des communautés impliquées ont décrété une cessation les hostilités et se sont engagés à travailler au retour des populations déplacées dans la commune avec la signature d’un accord de réconciliation locale.

Ces forums de réconciliation ont été organisés dans le cadre plus large du soutien de la MINUSMA à la paix et à la cohésion sociale dans les régions de Mopti et de Ségou et d'un projet parrainé par le Bureau des Nations unies pour la prévention du génocide.

Activités de la Police de la MINUSMA

Formation des Forces de sécurité maliennes

Du 4 au 17 mars courant, la Police des Nations unies (UNPOL) a dispensé 18 formations au profit de 218 agents des Forces de sécurité maliennes (FSM). Elles ont porté sur des thèmes aussi variés que le renseignement en période électorale, la protection des hautes personnalités ou encore les Violences basées sur le genre. Ces formations visent à améliorer les compétences des membres des FSM et à développer l’état de leurs services aux normes internationales.

Protection des Civils

Du 24 février au 4 mars 126 patrouilles conjointes ont été menées avec les FSM ainsi que 265 patrouilles pédestres et 54 patrouilles de longue portée dans le District de Bamako et dans toutes les autres régions du centre et du Nord. Ces activités ont pour objectif d’atténuer les activités criminelles, les menaces et la gestion des engins explosifs improvisés, en particulier dans les régions du Centre et du Nord du Mali.

Des patrouilles nocturnes ont aussi été conduites dans les régions de Bamako, Gao, Ménaka, Ansongo, Tombouctou, Mopti et leurs périphéries afin de dissuader tout acte criminel au sein des populations.

Activités de la Force de la MINUSMA

49ème réunion de la Commission technique de sécurité

Elle s’est tenue le 11 mars sous la présidence du Général Dennis Gyllensporre, Commandant de la force de la MINUSMA, avec la participation des présidents de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR) et de la Commission d'Intégration.

Le président de la CNDDR a présenté les prochaines phases du DDR et a également présenté une nouvelle proposition pour le dispositif de sécurité de Ménaka. La commission de sécurité proposée a été rebaptisée, afin de se concentrer sur les activités militaires uniquement dans la périphérie de la ville, tout en laissant la sécurité intérieure à la police, aux gendarmes et à la garde nationale en coordination avec le gouverneur, comme le prévoit le concept de « Ménaka sans armes ».

Opérations militaires

L’opération Buffalo se poursuit dans la région de Mopti renforcée par un appui aérien avec une dizaine de missions au cours des deux dernières semaines. En effet, lorsque la Force a été alertée d’une probable attaque dans la région et dans le souci de la protection de la population conformément à son mandat, elle a fait régulièrement décoller ses hélicoptères pour montrer sa présence et dissuader toute action hostile à l’égard de la population. De même au cours des deux dernières semaines, les patrouilles de la Force dans le cadre de cette opération ont été menées dans plus d’une quinzaine de localités afin de rassurer les populations et faciliter l’accès de la zone aux humanitaires en fournissant des escortes.

L’opération Seka poursuit aussi son cours pour améliorer la situation sécuritaire sur l'axe Ansongo - Labezanga et faciliter le redéploiement des FAMa dans cette dernière localité. Des patrouilles ont été conduites dans le cadre de cette opération dans le but de rassurer les populations.

Patrouilles

Au cours des deux dernières semaines sur l’ensemble de sa zone d’opération, la Force de la MINUSMA a effectué 1 482 patrouilles (patrouilles de jour et de nuit, de longue et de courte portées). Ces patrouilles aussi bien terrestres qu’aériennes, contribuent à réduire les violences sur les populations et à ramener le calme dans les zones où les tensions communautaires sont signalées.

Incidents

Parmi les incidents qui ont affecté la MINUSMA :

Le 10 mars, un convoi logistique de la MINUSMA, en provenance de Ménaka et à destination d'Ansongo, a découvert sur son trajet plusieurs mines qui ont été neutralisées. Le 8 mars, un convoi logistique de la MINUSMA a heurté un engin explosif improvisé à 2,6 km au nord-est du camp de la MINUSMA à Kidal. Trois (3) Casques bleus ont été blessés.

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Propos introductifs de Monsieur Guillaune Ngefa,

Directeur de la Division des Droits de l’Homme et de la Protection

Présentation des « Conclusions finales de la mission d’enquête spéciale sur les graves atteintes aux droits de l’homme commises à Ogossagou le 14 février 2020 »

Je tiens à saluer les journalistes qui nous suivent à distance. Les circonstances nous imposent d’avoir une conférence de presse de façon assez particulière puisque nous la faisons à partir de la radio. Certains journalistes sont connectés au studio à travers les réseaux sociaux.

Comme Olivier l’a dit, hier, la Mission des Nations Unies et le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de Genève ont publié les conclusions, par le rapport de la mission d’enquête spéciale qui a été conduite suite aux événements survenus le 14 février à Ogossagou, commune et cercle de Bankass dans la région de Mopti.

Comme vous le savez, la Mission des Nations Unies au Mali a non seulement le mandat de protection et de promotion des droits de l’homme mais aussi de protection des civils. C’est dans ce cadre que cette enquête a été conduite, conformément à ce mandat.

Pourquoi avons-nous conduit cette enquête ? Premièrement parce que la Mission et les collègues qui ont conduit cette enquête ont été informés d’une possible attaque contre le village d’Ogossagou. Immédiatement, la Cheffe de bureau de la MINUSMA à Mopti a immédiatement mis en place un comité de crise pour voir quelles réponses conformément à notre mandat, la Mission peut prendre. Le Centre du Mali fait partie des priorités de la Mission. Une priorité qui a été mandatée par le Conseil de sécurité. Une fois que nous avons été alertés conformément à notre mandat et avec une posture beaucoup plus proactive pour la protection de la population civile nous avons décidé le déploiement d’un détachement des Casques bleus pour aller prévenir l’attaque. Les Casques bleus sont arrivés sur les lieux et il n’y avait pas encore l’attaque et comme vous le savez, ils ont été détournés par des témoignages non crédibles pour aller ailleurs étant donné que dans cette région, nous avons trois villages que l’on appelle Ogossagou. Lorsque les troupes sont revenues, l’attaque avait déjà eu lieu et la Mission n’a pas pu la prévenir. La deuxième action qui a été menée par la MINUSMA en conformité avec le mandat des droits de l’Homme était de déployer une mission spéciale d’enquête composée de spécialistes des droits de l’Homme ainsi que des spécialistes des Nations Unies de la police scientifique. L’objectif de cette mission était de faire la lumière sur les circonstances de l’attaque, d’en identifier les possibles auteurs ainsi que les victimes et surtout, de situer la responsabilité et de comprendre dans quel contexte ces événements ont eu lieu.

Avant de vous donner les conclusions de cette investigation, j’aimerais préciser que conformément à la pratique établie, les conclusions de cette enquête ont été partagées les Ministres des Affaires étrangères et de la coopération internationale, de la défense et des anciens combattants et de la Justice et des droits de l’homme, ainsi que l’État-major général des armées. Les autorités ont donc été informées. Il s’agit d’une pratique qui permet aux autorités d’être informées des actions qui ont été prises par la Mission mais aussi de contribuer à leurs efforts de promotion et de protection des droits de l’Homme.

Permettez-moi d’abord avant de lire les conclusions de dire dans quel contexte s’inscrit cette attaque. Il y a eu Ogosagou 1 et Ogossagou 2. Entre Ogossagou 1 l’année dernière et Ogossagou 2, il n’y a pas eu d’attaques dans ce village. Ogossagou 1 a eu lieu le 23 mars 2019 et là aussi la Mission avait pris une posture proactive. Une mission d’enquête avait été déployée, ensuite une enquête spéciale des droits de l’Homme et les conclusions ont été partagées avec les autorités et nous les avons aidé à mener des enquêtes judiciaires même si jusqu’à l’heure actuelle les procès en bonne et due forme n’ont pas encore eu lieu. Cet incident n’est pas un cas isolé. Les journalistes peuvent se poser la question de savoir pourquoi nous nous focalisons sur Ogossagou 2 alors qu’il y a eu d’autres événements qui se sont passés. Ogassagou 1 et 2 ont un caractère emblématique. Ils démontrent exactement ce qui se passe en termes de cruauté, en termes d’auteurs qui abusent, qui violent les droits de l’Homme ou commettent des abus sérieux et démontrent aussi toute la question qui tourne autour de l’impunité. Entre le 23 mars 2019 et l’attaque on n’a pas eu d’incidents. Cependant, la Division des droits de l’Homme a documenté sur le plan général depuis 2018 jusqu’en mars 2019, 300 cas de violences sur fond de tensions communautaires documentés dans la région de Mopti. Nous n’avons certainement pas documenté tous les cas mais en tant que Division des droits de l’Homme de la MINUSMA, nous documentons des incidents qui ont un impact sur la situation des droits de l’Homme. Il y a eu des incidents et des attaques qui ont opposé des groupes armés ou bien des Forces de défense et de sécurité avec des groupes terroristes etc. Ces incidents ne sont pas documentés. Entre 2018 et 2019, nous avons documenté dans la seule région de Bankass, 85 incidents. Notre enquête dit clairement qu’entre le 1er décembre 2019 et le 23 mars 2020, nous avons documenté 46 incidents. Ceci démontre la récurrence des événements et des incidents se sont produits dans le seul cercle de Bankass. Et c’est le cercle dans lequel se situe le village d'Ogossagou. Par conséquent, les attaques contre Ogossagou ne sont pas des cas isolés ; ils restent emblématiques de la situation générale dans le centre. 85 incidents à Bankass, c’est le cercle dans lequel se situe Ogossagou. Par conséquent, les attaques contre Ogossagou ne sont pas des cas isolés. Ils restent emblématiques mais sont aussi dans ce cycle de violence qui conduit à de sérieux abus et atteintes sérieuses des droits de l’homme. De plus, dans le Centre du Mali, aucune communauté n’est à l’abri de cette situation. En réalité, les 300 cas susmentionnés ont entraîné la mort d'au moins 918 personnes appartenant à différentes communautés, à savoir les communautés Bambara, Bellah, Dafing, Dogon, Mossi, Peul, Samogo, Sarakole, Tamashek et Telem. La majorité des victimes se trouve dans les communautés peul et dogon.

Dans certains de ces cas, des maisons et des greniers ont été incendiés et des têtes de bétail volées ou tuées. Des déplacements forcés de populations ont également été observés dans la zone. Dans un tel contexte, rendre justice aux victimes et à leur famille demeure une priorité absolue. D’où l’importance du travail d’établissement des faits.

Au terme de notre enquête, nous avons pu établir les faits suivants :

Le 14 février 2020 vers 05h du matin, les certains habitants qui s’étaient rendus à la mosquée de Ogossagou-Peul pour la prière matinale ont entendu des coups de feu provenant du côté Est du village. Ils ont alors fini leur prière et sont rapidement sortis pour se mettre à l’abri. Les villageois n’ont opposé aucune résistance. Les assaillants, au nombre de plusieurs dizaines, sont venus à pied des côtés Est, Sud et Ouest de Ogossagou Peul. 

 

L’attaque a été menée par au moins trois vagues successives composées chacune d’une dizaine d’hommes armés à pied. Tandis que certains tiraient sur les maisons ou forçaient les portes pour obliger ceux qui s’y étaient réfugiés à sortir, d’autres incendiaient les habitations et les greniers et volaient les biens matériels se trouvant dans les maisons ou les magasins (céréales, bijoux, argent, matelas, nattes, vêtements), pillaient des réserves de vivres (au moins deux boutiques alimentaires ont été vidées) et emportaient un nombre indéterminé de têtes de bétail sur des tricycles motorisés.

 

Une majorité de la population, qui était en alerte depuis la veille, a rapidement tenté de fuir par le côté nord du village. Dans leur fuite vers le nord, les villageois ont rencontré les assaillants qui leur ont tiré dessus. Certains sont alors partis vers l’Ouest et les assaillants les ont poursuivis.

 

Au cours de l’attaque, les assaillants ont particulièrement ciblé les individus de sexe masculin, aussi bien les hommes que les garçons. Des femmes qui cachaient parmi elles des garçons de moins de dix ans ont dû supplier leurs agresseurs de les épargner, une autre a donné l’argent qu’elle avait sur elle (130.000 FCFA) pour sauver son fils de six ans. Un garçon de 8 a été égorgé, deux autres de 7 et 10 ans ont été tués par balles alors qu’ils tentaient de fuir. Un garçon de 7 ans a été tué puis son corps a été mutilé (ses avant-bras, sa tête et ses parties génitales ont été coupés et son cœur a été arraché). Au moins quatre garçons âgés de 6 à 8 ans ont disparus au cours de l’attaque ; deux d’entre eux ont été arrachés des bras de leur mère par les assaillants.

 

Une femme de plus de 70 ans et une fille de 6 ans en situation handicap mental sont décédées dans l’incendie de leur case. Une autre fille d’environ 4 ans a été tuée par balle alors que son père la portait sur son dos pour s’enfuir. Une fille de 13 ans, originaire d’un village dont les habitants s’était récemment installés à Ogossagou, a disparu depuis l’attaque. Les femmes qui fuyaient ont été ramenées dans le village par les assaillants qui les ont rattrapées.

Il résulte de cette attaque un bilan humain très lourd :

Au moins 35 personnes tous membres de la communauté peule, dont une (1) femme, trois (3) garçons, et deux (2) filles ont perdu la vie et au moins trois autres ont été blessés. Les corps de 32 victimes, dont celui d’une (1) femme et de deux (2) enfants ont été enterrés dans une fosse commune au Nord du village.

 

De plus, au moins 19 personnes dont cinq (5) enfants sont toujours portées disparues depuis l’attaque.  

 

En outre, au moins 136 habitations (légères ou maçonnées) ont été détruites par incendie volontaires ou rendues inhabitables, 32 greniers et hangars de stockage de vivres ont été incendiés ou rendus inutilisables, 24 charrettes, trois (3) bâtiments commerciaux (cuisine, rôtisserie et boutique) et deux (2) enclos détruits et/ou incendiés, et un nombre important de têtes de bétail ont été volées ou tuées.

Les auteurs

Quant à la question de savoir qui étaient les assaillants, ces derniers ont été identifiés comme étant des chasseurs traditionnels, appuyés par des hommes en tenue militaire et des membres présumés de la communauté Dogon. Des témoins directs ont même identifié certains d'entre eux comme des habitants du village voisin. Il est important ici de noter qu’aucun élément ou indice recueilli au cours de l’enquête n’a permis de déterminer l’affiliation de ce groupe d’agresseurs à un quelconque groupe armé. C’est la difficulté que nous avons eu dans le cadre de cette enquête.

Les qualifications

Les faits documentés, constituent des atteintes graves aux droits de l’homme, notamment des privations arbitraires du droit à la vie, des atteintes à l’intégrité physique et morale et des atteintes au droit à la propriété. Au regard de la loi malienne, ces actes peuvent constituer des crimes prévus et punis par le code pénal malien. Ces graves atteintes aux droits de l’homme pourraient également être qualifiées de crimes contre l’humanité, si jugées par un tribunal compétent, en vertu du droit international pénal, particulièrement l’article 7 du Statut de Rome.

Qu’est-ce que la MINUSMA va faire par la suite ?

Le rapport ainsi que les conclusions ont été partagés avec les autorités maliennes. La Représentante spéciale adjointe chargée des Affaires politiques et moi-même avons rencontré le ministre de la Justice. Nous avons partagé le rapport avec lui et il y a une volonté ferme du ministre de la Justice de mener à bien des enquêtes pour lutter contre l’impunité. La Mission s’est engagée à apporter une assistance logistique et technique aux enquêteurs et nous l’avons déjà commencé. La Mission des Nations unies avait déjà donné un appui logistique à l’équipe de BIS pour amorcer son enquête. Toutes les informations que nous avons recueillies, les indices, les photos, le rapport balistique seront mise à la disposition de la justice. Les enquêtes des droits de l’Homme ne sont pas des enquêtes criminelles. Il s’agit tout simplement d’enquêtes liées aux obligations du Gouvernement malien à faire respecter les droits de l’Homme. Il s’agira maintenant pour la justice malienne par rapport aux violations qui ont été effectivement identifiées de les qualifier. La qualification, c’est la justice qui va le faire. Nous avons fait une qualification qui correspond à nos obligations internationales.

Merci.