Permettre aux professionnels des médias centrafricains de mieux communiquer sur les cas d’abus et d’exploitations sexuels, tout en respectant et protégeant la dignité et l’intégrité des victimes, telle est la vocation d’une formation a été organisée la semaine dernière par la MINUSCA au Stade ‘’20 000 Places’’ de Bangui.
Au nombre des échanges, la manière d’aborder le sujet et de parler des victimes, le genre d’informations à diffuser, la nécessite du consentement de la victime, voire de la vérification des informations, entre autres. Il a été principalement question du processus de l’ONU pour la protection des victimes, le jugement des coupables et la prévention de ce fléau. Occasion pour les interlocuteurs d’insister sur la nécessité de protéger l’anonymat des victimes, y compris en respectant la spécificité des cas impliquant des enfants.
En sa qualité de défenseure des droits des victimes sur le terrain auprès de la MINUSCA, Nathalie Ben Zakour Man explique que son travail consiste à suivre les enquêtes en cours et accompagner les victimes vers les structures de prise en charge appropriées, qu’il s’agisse de de protection et sécurité ou de soutien psychosocial, médical, socio-économique et même juridique et judiciaire. Et de préciser que l’ONU ne fournit ni argent ni assistance directe aux victimes, tout en s’inscrivant dans une approche qui respecte et promeut ses droits.L’assistance aux victimes est aussi du ressort d’organisations spécialisées comme le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) dont est membre Marie-Ange Ngakola-Amezza, particulièrement du groupe chargé de la violence basée sur le genre. Elle assure que « l’assistance aux victimes n’est en aucun cas liée aux résultats des investigations et est apportée dès qu’un cas est rapporté ».
Pour faciliter le dépôt des plaintes, la MINUSCA a mis en place un numéro vert avec des interlocuteurs parlant Sango, Français ou Anglais, ainsi qu’une adresse électronique. « Les dénonciations peuvent être aussi faites via des médias, des comités d’alerte ou des ONGs, dont certaines mettent en place des troupes théâtrales pour faciliter la communication sur ce sujet encore très tabou », comme l’explique Mbainadjim Mbette de l’unité de Déontologie et discipline de la MINUSCA, qui insiste sur l’importance de ne pas tomber dans le piège des fausses rumeurs et fausses allégations. « Lorsque nous recevons les plaintes, nous évaluons les informations que nous avons, pour pouvoir notamment identifier les personnes impliquées, en termes de nom des victimes, leur âge, la nationalité des présumés coupables », poursuit-il.
Juger les coupables, tout en prévenant les nouveaux cas d’abusDe manière générale, tout responsable d’acte d’abus et / ou d’exploitation sexuels doit en répondre, quelle que soit sa fonction, son titre, son grade ou sa nationalité. La procédure est tout aussi claire. Si le coupable est militaire, sur une période de 72 heures, le siège des Nations unies à New York est saisi et en informe le représentant permanent du pays du présumé coupable des allégations. Ce dernier rapporte le cas à l’État-major du pays en question qui ensuite nomme des enquêteurs nationaux en RCA qui procèdent à l’interview des victimes.A ce stade du processus, si les éléments de preuve sont suffisants, le pays sanctionne le coupable, soit par dégradation, radiation de l’armée, voire emprisonnement.
Beaucoup de casques bleus et de fonctionnaires des Nations unies reconnus coupables ont ainsi purgé des peines appropriées, et des instructions sont encore en cours pour d’autres. Davantage de mesures sont aussi prises pour prévenir et protéger ce fléau.Au cas où le coupable est un civil, c’est à l’ONU de prendre les sanctions nécessaires. « Si la personne jugée coupable estime être faussement accusée, cette dernière peut faire appel au tribunal interne des Nations unies à New York. C’est plutôt rare comme situation, mais cela peut arriver. Et parfois, malheureusement, c’est que la victime retire sa plainte avant que les sanctions aient pu être prise contre le coupable », déplore Mbainadjim Mbette.
Chaque contingent reçoit des cours pendant les huit semaines que dure leur pré-déploiement, y compris par du personnel de la MINUSCA. Mais le travail de formation ne s’arrête pas là. « Dès leur arrivée à Bangui, j’explique aux hommes l’attitude qu’ils doivent avoir », souligne le capitaine Laure Koagne Mba, médecin de l’Unité de Police constituée du Cameroun et point focal des questions de genre. « Je leur explique ce qui constitue une faute mineure et une faute majeure, ce qu’ils risquent en cas d'actes d'exploitation et abus sexuels... », continue-t-elle. Il faut en effet détailler aux casques bleus les normes de conduite des Nations unies, qui diffèrent souvent de celles de leurs pays. Il leur est par exemple interdit de donner de l’argent ou de la nourriture aux enfants en RCA, une pratique pourtant courante dans la sous-région.
Pour ce qui est de la prévention, le capitaine Mba insiste, par ailleurs, sur le bien-être des troupes. « C’est souvent le stress qui pousse les hommes à se comporter de la sorte. Ils sont loin du pays, loin de leurs familles, soumis aux règles de confinements pour éviter qu’ils ne sortent et aient l’opportunité de commettre des abus et actes d’exploitation sexuels », fait-elle valoir avec l’empathique caractéristique du personnel soignant. Les activités sportives, les fêtes entre contingents, le soutien psychologique des médecins-militaires sont, entre autres, là pour contribuer au bien-être des troupes et ainsi prévenir les cas d’actes d’abus.La question des abus et exploitations sexuels est prise très au sérieux au sein des Nations unies (ONU). Et la politique de ‘’Tolérance zéro’’ est plus que jamais de mise, les droits et la dignité des victimes étant au premier plan de la nouvelle approche du Secrétaire général des Nations unies en matière de prévention d'actes d'exploitation et abus sexuels.