Bienvenue aux Nations Unies
  • Une femme se tient au premier plan, regardant vers un groupe de soldats de l'ONU à l'arrière-plan.
    Photo: MONUSCO/Abel Kavanagh

Les enfants nés des suites d’actes d’inconduite commis par du personnel onusien nécessitent un soutien urgent

Cet article a été écrit par Sophie Boudre et Stephanie Wild. Mme Boudre est la Cheffe adjointe de la communication stratégique pour le maintien de la paix de l’ONU et cheffe de projet pour les questions de genre et de réputation. Mlle Wild est une consultante en communication stratégique, spécialisée dans les questions de violence sexuelle et fondée sur le genre, d’exploitation et d’atteintes sexuelles et de justice transitionnelle.  

 

« Il avait l’habitude de me donner de l’argent, de la nourriture… En échange, j’ai eu plusieurs fois des relations sexuelles avec lui. Je suis tombée enceinte et quelques mois plus tard, il est parti, en m’abandonnant avec l’enfant. » 

Il est strictement interdit au personnel de l’ONU de donner de l’argent, de la nourriture ou d’accorder d’autres faveurs en échange de relations sexuelles. Les opérations de paix de l’ONU mettent tout en œuvre pour prévenir ce type d’inconduite, mais malheureusement, de tels cas continuent de se produire. Dans certaines affaires, des enfants sont conçus puis abandonnés dans des zones de conflits où leurs pères étaient déployés, comme ce qu’a vécu cette mère de la République démocratique du Congo citée ci-dessus.  

L'ONU a reçu, depuis 2006, plus de 700 demandes de reconnaissance de paternité et de pension alimentaire impliquant des membres du personnel des opérations de paix. Quatre-vingt-quinze pour cent de ces demandes concernent des militaires ou des policiers fournis par des États Membres de l’ONU et déployés sous la bannière de l’ONU. Les États Membres sont responsables du traitement de ces demandes, cependant, plus de 70% d’entre elles restent sans réponse, ce qui équivaut à 500 enfants ne bénéficiant ni de la reconnaissance légale ni du soutien financier dont ils ont tant besoin.  

« Les enfants nés de ces actes sont trop confrontés à la pauvreté, la stigmatisation et l’insécurité », a récemment dit le Secrétaire général de l’ONU António Guterres dans un message vidéo.  « Ils méritent reconnaissance, soutien et dignité. Les Nations Unies se sont engagées à faire de ces objectifs une réalité. Mais nous ne pouvons pas le faire seuls. » 

Certains États Membres s’efforcent de traiter ces demandes malgré les difficultés liées à leur caractère international, aux différences entre les systèmes judiciaires et aux contextes socioéconomiques variés.  Certains de ces États recherchent les pères et aident les mères à déposer une demande dans leur pays. D’autres États ont mis en place des centres nationaux de coordination chargés des questions de paternité pour faciliter l’accès à des tests ADN et permettre aux mères de bénéficier d’une représentation bénévole et d’une assistance pour couvrir les frais de justice.  

Ces États Membres sont cependant minoritaires. Dans la majorité des cas, les États Membres sont très lents à traiter ces demandes, ou ne les traitent parfois jamais.  

« Certaines de ces demandes sont en attente depuis plus de dix ans, et bon nombre d’enfants dont le père est un membre du personnel en tenue ont maintenant atteint l’âge adulte », souligne Catherine Pollard, Secrétaire générale adjointe chargée du Département des stratégies et politiques de gestion et de la conformité qui reçoit et traite ces demandes. 

L’un de ces enfants est Mado*, une jeune de 20 ans qui souhaite plus que tout faire la connaissance de son père. « Quand je suis avec mes amis, ils parlent souvent de leurs pères », raconte-t-elle, « mais j’ai honte car je ne sais pas vraiment qui est le mien. Il n’est pas mort mais je ne peux pas non plus dire qu’il est dans ma vie. » 

L’ONU s’efforce de soutenir les victimes d’inconduite sexuelle dans leur quête de justice et de responsabilisation des auteurs. Elle les aide à prendre contact avec les autorités du pays où elles souhaitent déposer leur demande ainsi qu’avec les frais de justice.  Lorsque le père est un membre du personnel civil de l’ONU, l’Organisation applique les ordonnances judiciaires et peut retenir une partie du salaire de l’auteur afin de garantir qu’il s’acquitte de ses obligations parentales. De plus, le Fonds d’affectation spéciale en faveur des victimes d’exploitation et d’atteintes sexuelles de l’ONU aide les mères à s’engager dans des activités génératrices de revenus et à payer les frais de scolarité et les uniformes de leurs enfants.  

L’ONU prend également des mesures pour aider les États Membres à régler plus rapidement les affaires, par exemple en facilitant la collecte d’échantillons d’ADN ou encore le versement des pensions alimentaires à l’international.  Un groupe de travail de l’ONU a également été mis en place afin d’identifier des mesures supplémentaires que les États Membres peuvent adopter pour progresser.  

Ce groupe de travail est actuellement en train de définir les critères qui permettront d’évaluer le traitement des demandes par les États Membres. Ces critères constitueront un facteur pris en compte lors de la sélection du personnel qu’ils déploieront dans des missions de maintien de la paix. Enfin, dans le but de promouvoir une plus grande transparence sur la question, le groupe a créé un tableau de bord public visant à suivre le statut de toutes les demandes en suspens. 

Bien qu’il s’agisse là de progrès importants, les efforts de l’ONU ne peuvent aboutir sans aide. « Seuls [les États Membres] ont l’autorité et le pouvoir de traiter de telles demandes [puisque] les Nations Unies n’ont pas de tribunal et ne peuvent pas contraindre les pères ou les États Membres à agir », explique Mme Pollard.  

L'ONU continue d’appeler les États Membres à régler les demandes de reconnaissance de paternité et de pension alimentaire.  Du point de vue pratique, le Secrétaire général de l’ONU a demandé à tous les États Membres de nommer, au niveau national, une personne référente en matière de paternité qui pourra aider à faire avancer le règlement des affaires.  

Mado et les autres enfants dans la même situation doivent pouvoir tourner la page, ils ont droit à la justice et méritent un avenir meilleur. 

Découvrez les efforts que l’ONU déploient pour combattre l’exploitation et les atteintes sexuelles ici.  

 

 

La reconnaissance de paternité pour les enfants nés de l'exploitation et des abus sexuels

 

*Le nom a été changé pour préserver l’anonymat. 

 

Cette histoire fait partie de la série d'histoires « Action pour le maintien de la paix » (A4P) qui rend compte des efforts déployés par l'ONU, ses États Membres et d'autres partenaires pour renforcer les opérations de maintien de la paix, ainsi que leur impact sur les personnes vivant dans les zones de conflit. 

  

Renforcer la conduite des Casques bleus et des opérations de paix est un pilier du programme A4P et de sa stratégie de mise en œuvre A4P+. Soutenir les victimes d’actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles et les enfants nés à la suite de tels actes commis par des membres du personnel de l’ONU relève de la responsabilité des auteurs, de leur État Membre et des Nations Unies.