En adoptant à l’unanimité de ses membres la résolution 2745 (2024), le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, de lever l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine (RCA) par la résolution 2127 (2013), ensuite modifié et reconduit par la résolution 2693 (2023).
La levée totale de l’embargo sur les armes marque un « tournant historique » pour la paix et la stabilité non seulement en RCA mais également dans la région, s’est félicitée la Ministre centrafricaine des affaires étrangères, de la francophonie et des Centrafricains de l’étranger, qui participait à la réunion. Pour Mme Sylvie Valérie Baipo Temon, cette victoire fait de la diplomatie centrafricaine un modèle de persévérance et de détermination dans la quête d’un monde plus juste et d’un avenir plus pacifique.
Par cette résolution, le Conseil décide également que, jusqu’au 31 juillet 2025, tous les États Membres prendront les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert, directs ou indirects, à partir de leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés chez eux, d’armements et de matériels connexes de tous types à des groupes armés et aux personnes qui leur sont associées qui opèrent dans le pays.
Le Conseil autorise tous les États Membres qui découvrent des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits par la présente résolution à les saisir, les enregistrer et les traiter, par exemple en les détruisant, en les mettant hors d’usage, en les entreposant ou en les transférant à un État autre que le pays d’origine ou de destination aux fins de leur élimination. En outre l’État Membre qui saisit et élimine ces articles doit notifier le comité créé par la résolution 2127 (2013) dans un délai de 30 jours et tous les États sont tenus de coopérer à cet effort.
Sur ce dernier point, l’Algérie, qui préside actuellement le Comité 2127, aurait préféré que la responsabilité de la dévolution des articles saisis visés par la résolution revienne à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) ou aux autorités de la RCA, « au lieu d’en laisser la responsabilité à l’État ayant opéré la saisie, et ce contre une simple notification. »
Le texte prévoit en outre de proroger jusqu’au 31 août 2025 le mandat du Groupe d’experts -désormais dénommé « Groupe d’experts faisant suite à la résolution 2745 (2024) ». Le Conseil réexaminera ce mandat de sorte qu’il porte tout particulièrement sur l’analyse des réseaux transnationaux qui fournissent les groupes armés en RCA et fera le nécessaire concernant sa nouvelle reconduction, le 31 juillet 2025 au plus tard.
La France, en tant que porte-plume pour la RCA, a dit avoir mené des négociations inclusives et tenu compte des positions de chaque membre du Conseil. Elle a également salué « l’excellente coordination » avec la RCA, qui a permis d’élaborer un « texte consensuel » et très court, qui permet selon elle de « lever toute ambiguïté ». Outre la levée de l’embargo territorial sur les armes établi sur la RCA en 2013, cette résolution impose des mesures restrictives sur les groupes armés et les individus associés, qui sont une menace pour l’intégrité territoriale du pays et sapent l’autorité de l’État, a insisté la délégation, non sans souligner que ces mesures répondent à la demande de la RCA. « Il en va de la stabilité de la République centrafricaine et de l’ensemble de la région. »
La Fédération de Russie a justifié son vote en faveur de ce texte, et par voie de conséquence pour la levée des mesures restrictives à l’encontre du Gouvernement centrafricain, par le fait que cela répond à la position de Bangui. « Ce n’est un secret pour personne » que la situation en RCA s’est améliorée de manière significative depuis 2013, a-t-elle fait valoir, rejointe par la Chine.
De l’avis de ces deux pays, il serait également opportun, dans le contexte centrafricain, d’envisager la levée de l’embargo sur les armes à l’égard des groupes armés illégaux qui y opèrent. Cet élément du régime de sanctions a en effet perdu depuis longtemps sa pertinence, a argué la délégation russe, notant que les sanctions n’ont pas été un obstacle jusque-là à l’alimentation de ces groupes en hommes, en armes et en financements. À ses yeux, le problème des groupes armés illégaux ne peut être réglé que dans le cadre d’efforts souverains visant à stabiliser et à assurer la sécurité à l’intérieur des frontières nationales, en coopération avec les États voisins.
Pour la Fédération de Russie, il est donc essentiel d’aider la RCA et ses voisins à coordonner et à combler les « lacunes » dans la coopération régionale en matière de sécurité frontalière, ce que Moscou entend continuer à faire de manière bilatérale en vue d’un retour définitif à la paix. La Ministre centrafricaine a prévenu à cet égard que son pays reste confronté au double défi de la lutte contre les sources d’approvisionnement en armes et les trafics illicites transnationaux.
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Texte du projet de résolution (S/2024/576)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République centrafricaine, et rappelant l’importance des principes de non-ingérence, de bon voisinage et de coopération régionale,
Insistant sur la décision prise dans la présente résolution de lever totalement l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine, établi par la résolution 2127 (2013) telle que modifiée, et soulignant, afin d’éviter tout doute, que le Gouvernement centrafricain ne fait plus l’objet d’aucun embargo sur les armes,
Se déclarant particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles des réseaux transnationaux de trafiquants continuent de financer et d’approvisionner les groupes armés et les personnes qui leur sont associées qui opèrent en République centrafricaine, notant en particulier l’emploi d’engins explosifs, notamment des engins explosifs improvisés et des mines terrestres, qui causent des victimes parmi les civils ainsi que des destructions de biens civils et continuent d’entraver l’accès humanitaire, et condamnant fermement les violations des droits humains et atteintes à ces droits ainsi que les violations du droit international humanitaire,
Condamnant les activités criminelles transfrontières, telles que le trafic d’armes, le commerce illicite, l’exploitation illégale et le trafic de ressources naturelles, notamment de l’or, des diamants et du bois d’œuvre, et le trafic d’espèces sauvages, ainsi que le transfert illicite, l’accumulation déstabilisatrice et le détournement d’armes légères et de petit calibre, qui menacent la paix et la stabilité de la République centrafricaine et ont une incidence sur la sécurité de la région, condamnant également l’utilisation de mercenaires et les violations du droit international humanitaire et des droits humains et les atteintes à ces droits commises par ces derniers, et soulignant que la République centrafricaine doit avoir avec les pays voisins une collaboration active et étroite pour sécuriser ses frontières et les autres points d’entrée et empêcher ainsi l’entrée sur son territoire de combattants armés, d’armes et de minerais provenant de zones de conflit,
Préoccupé par les incidences que la crise au Soudan a sur la situation humanitaire, la sécurité alimentaire et les conditions de sécurité dans les pays voisins en général et en République centrafricaine en particulier, puisqu’elle provoque un afflux important de rapatriés et de réfugiés en République centrafricaine, intensifie les besoins humanitaires et accroît les mouvements d’armes et de combattants dans les zones frontalières, et soulignant les obligations qui découlent du droit international humanitaire, s’agissant notamment de faire en sorte que l’aide humanitaire soit acheminée rapidement, sans entrave et dans des conditions sûres à la population dans le besoin,
Prenant note du lancement, par la Commission nationale en charge de la gestion des frontières, du plan d’action décennal et de la politique et des activités de gestion des frontières,
Soulignant que les mesures imposées par la présente résolution n’ont pas pour objet d’avoir des conséquences humanitaires négatives pour la population civile, rappelant la résolution 2664 (2022) et insistant sur le fait que toute solution durable devrait accorder la priorité à la réconciliation, notamment dans le cadre d’un processus inclusif associant les hommes et les femmes, y compris les personnes qui ont été déplacées du fait de la crise, quelle que soit leur origine sociale, économique, politique, religieuse et ethnique,
Rappelant la nécessité pour les États de faire en sorte que toutes les mesures prises pour mettre en œuvre la présente résolution soient conformes aux obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, le droit international des droits humains et le droit international des réfugiés, selon qu’il convient,
Sachant qu’il faut préserver les garanties d’une procédure régulière et garantir des procédures claires et équitables pour radier des listes relatives aux sanctions des personnes et des entités qui y sont inscrites, conformément à la résolution 2127 (2013) et les résolutions ultérieures, et se félicitant de l’adoption de la résolution 2744 (2024), par laquelle le mandat du Point focal pour les demandes de radiation et la procédure à suivre ont été renforcés,
Prenant note de la lettre datée du 15 mai 2024, adressée à son président par le Secrétaire général (S/2024/391) en application du paragraphe 14 de la résolution 2693 (2023) et du rapport des autorités centrafricaines, communiqué le 15 mai 2024 au comité des sanctions créé par la résolution 2127 (2013) (« le Comité ») conformément au paragraphe 13 de la résolution 2693 (2023),
Prenant note également du rapport final (S/2024/444) du Groupe d’experts sur la République centrafricaine créé en application de la résolution 2127 (2013) (« le Groupe d’experts ») et prenant note en outre des recommandations du Groupe d’experts,
Constatant que les groupes armés qui opèrent en République centrafricaine constituent une menace contre la paix et la sécurité internationales dans la région,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Décide de lever l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine par la résolution 2127 (2013), telle que modifiée et reconduite par la résolution 2693 (2023);
2. Décide que, jusqu’au 31 juillet 2025, tous les États Membres prendront les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert, directs ou indirects, à partir de leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés chez eux, d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, notamment en interdisant toute assistance technique ou formation et toute aide financière ou autre en rapport avec les activités militaires ou la fourniture, l’entretien ou l’utilisation de tous armements et matériels connexes, à des groupes armés et aux personnes qui leur sont associées qui opèrent en République centrafricaine;
3. Décide d’autoriser tous les États Membres qui découvrent des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits par le paragraphe 2 de la présente résolution à les saisir, les enregistrer et les traiter (par exemple en les détruisant, en les mettant hors d’usage, en les entreposant ou en les transférant à un État autre que le pays d’origine ou de destination aux fins de leur élimination), décide que l’État Membre qui saisit et élimine (en les détruisant, en les mettant hors d’usage, en les entreposant ou en les transférant à un État autre que le pays d’origine ou de destination aux fins de leur élimination) ces articles en donne notification au Comité dans un délai de 30 jours en communiquant une liste détaillée de tous les articles éliminés et de leur mode d’élimination et décide également que tous les États sont tenus de coopérer à cet effort;
4. Décide de reconduire jusqu’au 31 juillet 2025 les mesures et les dispositions énoncées aux paragraphes 9, 14 et 16 à 19 de la résolution 2399 (2018) et prorogées par le paragraphe 4 de la résolution 2536 (2020), et rappelle les paragraphes 10 à 13 et 15 de la résolution 2399 (2018);
5. Réaffirme que les mesures énoncées aux paragraphes 9 et 16 de la résolution 2399 (2018) s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité, conformément aux dispositions des paragraphes 20 à 22 de la résolution 2399 (2018), prorogées par le paragraphe 5 de la résolution 2693 (2023) et compte tenu de la décision imposée au paragraphe 1 de la présente résolution, s’agissant de lever l’embargo sur les armes établi par la résolution 2127 (2013), et de la décision prise au paragraphe 2 concernant les groupes armés et les personnes qui leur sont associées qui opèrent en République centrafricaine, notamment pour ce qui est de préparer, de donner l’ordre de commettre, de financer ou de commettre, en République centrafricaine, des actes qui compromettent les efforts visant un retour de la paix et sont contraires au droit international humanitaire, notamment les attaques contre le personnel médical ou humanitaire, ainsi que les actes de violences sexuelles et fondées sur le genre, et rappelle le paragraphe 1 de la résolution 2664 (2022);
6. Décide de proroger jusqu’au 31 août 2025 le mandat du Groupe d’experts [désormais dénommé « Groupe d’experts faisant suite à la résolution X (2024) »], tel qu’il l’a énoncé aux paragraphes 30 à 39 de la résolution 2399 (2018) et reconduit au paragraphe 6 de la résolution 2693 (2023), exprime son intention de réexaminer le mandat de sorte qu’il porte tout particulièrement sur l’analyse des réseaux transnationaux qui fournissent les groupes armés en République centrafricaine et de faire le nécessaire concernant sa nouvelle reconduction le 31 juillet 2025 au plus tard, et prie le Secrétaire général de prendre dès que possible les dispositions administratives voulues pour permettre au Groupe d’experts de poursuivre ses travaux sans interruption, en consultation avec le Comité, en faisant au besoin appel aux compétences des membres actuels du Groupe d’experts;
7. Prie le Groupe d’experts de lui remettre, après concertation avec le Comité, un rapport à mi-parcours d’ici au 31 janvier 2025, et un rapport final d’ici au 15 juin 2025, et de lui adresser au besoin des rapports d’étape;
8. Condamne fermement les attaques et les atteintes aux droits humains commises par des groupes armés et demande au Groupe d’experts, dans le cadre de l’exécution de son mandat, de proposer de nouveaux exposés des motifs ou de les actualiser afin qu’ils puissent être ajoutés à la Liste, si nécessaire, conformément aux paragraphes 20 et 21 de la résolution 2399 (2018), en tenant compte de la décision imposée au paragraphe 1 de la présente résolution pour ce qui est de lever l’embargo sur les armes établi par la résolution 2127 (2013) et de la décision prise au paragraphe 2 concernant les groupes armés et les personnes qui leur sont associées qui opèrent en République centrafricaine;
9. Demande au Groupe d’experts, dans le cadre de l’exécution de son mandat, de prêter une attention particulière à l’analyse des réseaux transnationaux de trafiquants qui continuent de financer et d’approvisionner les groupes armés en République centrafricaine et des menaces liées aux engins explosifs, en coopération avec des experts des communautés sous-régionales (Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et Communauté économique des États de l’Afrique centrale), le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale, le Service de la lutte antimines et, selon les besoin, avec d’autres groupes d’experts qu’il a créés;
10. Exhorte toutes les parties et tous les États Membres, ainsi que les organisations internationales, régionales et sous-régionales, à coopérer avec le Groupe d’experts et à assurer la sécurité de ses membres;
11. Exhorte tous les États Membres et tous les organismes compétents des Nations Unies à permettre au Groupe d’experts de consulter toutes personnes et d’accéder sans entrave à tous documents et sites, afin qu’il puisse s’acquitter de son mandat, et rappelle qu’il est utile que la MINUSCA et le Groupe d’experts mettent en commun les informations dont ils disposent;
12. Réaffirme les dispositions relatives au Comité et les dispositions concernant la présentation de rapports et la révision des mesures prises énoncées dans la résolution 2399 (2018) et décide que celui-ci sera désormais dénommé « Comité faisant suite à la résolution XX (2024) »;
13. Décide de rester activement saisi de la question.