Devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix Jean-Pierre Lacroix, a déploré mardi la mise en œuvre « largement insuffisante » de l'Accord politique du 31 décembre 2016, censée régir la transition en cours et baliser le chemin vers les élections en République démocratique du Congo (RDC).
Il y a six mois, a-t-il rappelé, le second mandat du Président de la RDC, Joseph Kabila, arrivait à son terme. Dans ce contexte, la signature de l'Accord du 31 décembre 2016 par tous les acteurs politiques a permis « d'éviter une crise grave ».
Le Secrétaire général adjoint a indiqué que cet accord « a tracé les contours de la transition en cours », en vue de la tenue des élections à la fin 2017. Cependant, a-t-il alerté, à moins de 6 mois des élections, « le consensus s'est progressivement effrité ».
Le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, une plateforme réunissant des partis de l'opposition, s'est désolidarisé des arrangements politiques récents destinés à mettre en œuvre l'accord. Il est à craindre, a-t-il poursuivi, que la mise en place annoncée du Conseil national de suivi de l'Accord (CNSA) souffre également de l'effritement du consensus politique.
Face à cette situation, M. Lacroix a rappelé que le Représentant spécial du Secrétaire Général pour la République démocratique du Congo (RDC), Maman Sidikou, et l'Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands lacs, Said Djinnit, poursuivent leur bons offices en vue pour la bonne mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de l'Accord du 31 décembre.
33 millions d'électeurs enregistrés sur un total de 41 millions par la CENI
En dépit du sentiment d'impasse qui prévaut parfois, a estimé le Secrétaire général adjoint, l'avancement de l'enregistrement des électeurs dans 24 des 26 provinces de la RDC représente un motif d'encouragement. Selon lui, au 10 juillet 2017, 33 millions d'électeurs ont été enregistrés sur un total de 41 millions par la Commission nationale électorale indépendante (CENI).
Cependant, a-t-il souligné, les défis sécuritaires dans les provinces du Kasaï et du Kasaï central rendent l'enregistrement problématique, de même que les retards enregistrés par la CENI en matière de publication du calendrier électoral et l'incertitude sur le financement des scrutins.
Enfin, a-t-il dit, les récentes déclarations du Président de la CENI, concernant l'impossibilité d'organiser des élections d'ici la fin de l'année, constituent un motif supplémentaire de préoccupations. M. Lacroix a par conséquent a appelé les acteurs nationaux et internationaux à se mobiliser pour remettre l'Accord sur les rails.
Hausse des violations des droits de l'homme et détérioration de la situation humanitaire
Evoquant la situation sécuritaire dans certaines régions de l'Est et de l'Ouest de la RDC, M. Lacroix a déploré la multiplication des affrontements entre groupes armés et forces de sécurité nationale.
Dans l'Est, une récente série d'attaques contre les Forces armées de la RDC (FARDC), dans la province du Nord Kivu, constituent selon lui un nouveau phénomène préoccupant, qui ajoute de la complexité dans une zone déjà minée par les violences. Parallèlement, des heurts entre milices ethniques du Nord Kivu se sont poursuivis, a-t-il signalé.
Par ailleurs, dans l'Ouest du pays, les violences dans les provinces du Kasaï et du Kasaï central ont atteint des niveaux très préoccupants, a déploré le Secrétaire général adjoint, précisant que la milice Kamuina Nsapu avait récemment pris pour cibles des dizaines de civils et attaqué des bureau d'enregistrements d'électeurs, ainsi que des écoles et des éléments des FARDC.
La violence interethnique dans cette région est également extrêmement préoccupante, a poursuivi M. Lacroix, ajoutant qu'il disposait de rapport faisant état d'exécutions sommaires et de viols de civils, y compris par des groupes appuyés par le Gouvernement ou par les forces armées nationales elles-mêmes.
« Cette situation est en partie responsable de la hausse préoccupante des violations des droits de l'homme », a par ailleurs déclaré M. Lacroix, ajoutant que la situation sécuritaire était également la principale cause de la détérioration de la situation humanitaire en RDC. Entre mai et juin 2017, a-t-il précisé, le nombre de personnes déplacées en RDC a en effet augmenté de 26 %, pour atteindre 1,3 million de personnes. « Des dizaines de fosses communes ont par ailleurs été signalées » à travers le pays, a-t-il déploré, appelant à lutter contre l'impunité pour ces crimes, notamment dans la province du Kasaï, l'une des plus touchées par les violences.
La MONUSCO poursuit ses efforts d'ajustements
Dans ce contexte, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) travaille à répondre aux défis auxquels la RDC fait face, tout en poursuivant ses efforts d'ajustements. « J'ai pu le constater lors de ma visite dans le pays il y a quelques semaines », a-t-il précisé, visite durant laquelle il a rencontré le Président Kabila.
Le Secrétaire général adjoint a enfin appelé le Conseil de sécurité et la communauté internationale, y compris les organisations régionales, à redoubler d'efforts pour appuyer la transition de la RDC, en vue de la tenue « d'élections libre, équitables et ouvertes, en accord avec la Constitution du pays ».