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  • Atoch assise sous un arbre, écoutant des femmes qui ont subi des abus ou d'autres violations de leurs droits. Crédit photo : UNISFA
    Atoch assise sous un arbre, écoutant des femmes qui ont subi des abus ou d'autres violations de leurs droits. Crédit photo : UNISFA

Action pour le maintien de la paix : Pour Atoch Dau Deng, il ne peut y avoir de paix sans justice pour les femmes d’Abyei

Dans cette série de récits, le département de maintien de la paix des Nations Unies montre l’impact de l’Action pour le maintien de la paix, qui guide les opérations de paix à travers 12 missions actives.

Récit de Nataliia Emelianova et Gaëlle Sundelin

Il y a 15 ans encore, une femme victime de viol ou d’abus n’avait personne vers qui se tourner à Abyei, une région contestée située entre le Soudan et le Soudan du Sud. Puis vint Atoch Dau Deng.

Atoch avait vu sa maison et ses biens lui être enlevés à la mort de son mari. À 35 ans, elle s’est retrouvée seule pour élever sept enfants. Déterminée à aider les autres femmes de la communauté, elle est devenue leur porte-parole. Chaque jour, elle s’asseyait sur une chaise en plastique sous un arbre et recueillait les témoignages des survivantes. Elle aidait les victimes à signaler leurs cas, les cachant parfois chez elle pour les protéger et partageant avec elles ses maigres rations de nourriture.

Elle a croisé en 2020 le chemin de Nataliia Emelianova, conseillère pour les questions de genre de la Police des Nations Unies pour la FISNUA, la mission de maintien de la paix à Abyei. C’est sous ce même arbre que Nataliia a invité Atoch à participer à une formation organisée par la mission pour les chefs traditionnels, les associations de femmes et les membres du Comité de protection de la population locale. Cette formation a été un moment charnière pour les femmes d’Abyei, lorsque Atoch a suggéré d’ouvrir un bureau officiel où signaler les cas de violence de genre.

Quelques mois plus tard, le premier bureau de lutte contre la violence fondée sur le genre a ouvert ses portes à Abyei. Il a été construit par la FISNUA, à l’initiative de Violet Lusala, cheffe de la police de la FISNUA. Le 15 juin, il a été officiellement confié aux autorités locales et Atoch est devenue la cheffe du bureau. Il s’agit d’un rôle bénévole, mais Atoch a consacré sa vie à ce travail. Lorsqu’elle est chez elle, elle brode de délicats couvre-lits avec des fils colorés, qu’elle vend pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

« La situation a changé au cours de ces deux années : les membres de la communauté peuvent désormais constater que les auteurs sont tenus responsables des crimes qu’ils commettent envers les femmes et les filles, ce qui n’arrivait jamais auparavant. Les cas n’étaient pas signalés, car il n’y avait nulle part où le faire », affirme Atoch.

« La situation a changé au cours de ces deux années : les membres de la communauté peuvent désormais constater que les auteurs sont tenus responsables des crimes qu’ils commettent envers les femmes et les filles, ce qui n’arrivait jamais auparavant. Les cas n’étaient pas signalés, car il n’y avait nulle part où le faire », affirme Atoch.

Le succès du bureau a été surprenant dans une société où les normes traditionnelles incluent la vente de femmes à des fins de mariage en échange d’une dot de vaches et où les conflits et la violence exposent souvent les femmes et les filles à des violences sexuelles. Mais grâce aux campagnes de sensibilisation menées par la Police des Nations Unies, aux réunions régulières avec tous les homologues locaux et aux formations soutenues par les médias locaux, les cas sont désormais signalés et les survivantes sont orientées vers des services juridiques, médicaux et psychosociaux pour les aider à obtenir justice et à guérir de leur traumatisme.

« La différence est énorme. Les membres de la communauté savent désormais qu’il existe un bureau et davantage de personnes viennent signaler des cas. Elles viennent également pour des conseils, des consultations familiales, des revendications de paternité et d’autres problèmes auxquels les femmes sont confrontées », ajoute Nataliia.

Parmi les réussites les plus récentes d’Atoch, citons le cas d’une femme qui avait été maltraitée et abandonnée par son mari et qui était restée seule pour nourrir et élever leurs trois enfants, avant de le voir réapparaître et menacer sa vie et celle de leurs enfants. Grâce au travail d’Atoch, l’affaire a été jugée par le tribunal traditionnel en faveur de la victime, qui a obtenu le divorce. Cet exploit aurait auparavant été impossible à réaliser à Abyei.

« Les femmes se sentent désormais plus libres. Elles commencent à réaliser qu’il existe un moyen pour elles de défendre leurs droits », explique Atoch.

« Grâce aux efforts de la FISNUA et de ses partenaires et à l’incroyable dévouement de piliers de la communauté comme Atoch, les mentalités ont changé », souligne Nataliia, de la FISNUA. « La popularité du bureau le confirme », ajoute-t-elle.

Sur les 57 cas signalés depuis 2020, tous ont abouti à la condamnation des auteurs, sauf un. L’enquête est toujours en cours pour ce dernier cas.

Mais sans paix et sans soutien financier pour les femmes comme Atoch qui donnent de leur temps pour aider d’autres femmes, les progrès restent fragiles

« Il leur reste un long chemin à parcourir, de nombreux obstacles à surmonter, de nombreuses choses à apprendre, de nombreux problèmes à résoudre, notamment le changement des mentalités et des esprits locaux. Mais elles sont sur la bonne voie », ajoute Nataliia.

 

Le programme concernant les femmes, la paix et la sécurité constitue un domaine transversal de l’Action pour le maintien de la paix et de sa stratégie de mise en œuvre A4P+, qui vise à renforcer l’impact des opérations de maintien de la paix. La protection des civils est un autre domaine essentiel du travail de maintien de la paix des Nations Unies. Le traitement et la lutte contre la violence sexuelle et à caractère sexiste à laquelle les femmes et les filles sont confrontées font partie de notre mandat et du programme A4P. À Abyei, le soutien au Comité de protection de la population locale est inscrit dans le mandat de la FISNUA.