Ituri : 30 défenseurs des droits humains formés au monitoring à distance [1]
La MONUSCO, à travers le BCNUDH, accompagne les défenseurs des droits humains dans la durée en leur apportant un mentorat continu ainsi qu’un appui logistique, juridique et financier.
Alors que l’Ituri continue de faire face à une recrudescence des violences envers les civils et à des atteintes aux droits humains, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) a organisé, du 8 au 12 avril à Bunia, une formation intensive de cinq jours à l’intention de 30 défenseurs des droits humains - dont neuf femmes - issus d’organisations partenaires et de réseaux locaux. Cette session, qui portait sur la surveillance à distance, cherchait à résoudre les problèmes d'accès grandissants à certaines zones de conflit.
« Plusieurs localités sont aujourd’hui difficilement accessibles en raison de l’insécurité, alors que les violations des droits de l’homme y persistent. Il est donc essentiel de doter les acteurs locaux de méthodes sûres et efficaces pour documenter ces faits à distance », explique Halidou Ngapna, coordonnateur de l’unité rapports et enquêtes du BCNUDH. Il précise que l’objectif est d’« améliorer la qualité des informations recueillies et transmises, tout en renforçant les capacités des partenaires sur le terrain ».
À travers divers modules interactifs portant notamment sur les principes fondamentaux des droits humains, l’analyse de l’information, la rédaction de rapports, ainsi que la protection des victimes, témoins et sources, les participants ont été préparés à documenter les violations dans des contextes particulièrement sensibles : zones de conflit, lieux de détention, camps de déplacés, etc. Des sessions spécifiques ont également abordé les violences sexuelles et les considérations de genre dans le cadre du monitoring.
Situation préoccupante
En janvier 2025, le BCNUDH a documenté 114 violations et atteintes aux droits humains en Ituri, dont 66 exécutions extrajudiciaires ou sommaires. La majorité de ces actes a été attribuée à des groupes armés opérant dans les territoires de Djugu et Irumu, notamment la CODECO, responsable à elle seule de 61 % des cas recensés.
Cette dégradation sécuritaire s’inscrit dans un contexte plus large affectant également les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où les affrontements entre le M23, les FARDC et d’autres groupes armés ont provoqué le déplacement de plus de 400 000 personnes depuis décembre 2024. Par ailleurs, de nombreux cas de violences sexuelles ont été signalés dans les zones touchées, affectant en particulier les femmes et les filles.
Mieux outiller les acteurs locaux
Pour Jeannine Kabyahura, coordonnatrice provinciale du réseau des associations de défense des droits humains, la formation a comblé un vide important : « Nous avions du mal à produire des rapports cohérents, surtout à distance. Désormais, nous repartons avec des outils concrets et des stratégies pour mieux protéger nos sources, et nous-mêmes ».
Fallon Nzola, cheffe de la coalition des femmes défenseures des droits humains en Ituri, confirme : « Cette formation nous a permis de mieux comprendre les étapes d’un monitoring rigoureux. Cela va nous permettre de travailler plus efficacement, y compris dans des contextes sensibles comme les écoles, les prisons ou les zones de conflit ».
Accompagnement continu
Au-delà de l’aspect technique, la session a également permis aux participants de partager leurs expériences et les difficultés rencontrées sur le terrain, telles que les arrestations arbitraires, les menaces, la stigmatisation ou le manque de moyens. « Ce type d’atelier nous donne les moyens d’être plus crédibles. Il ne s’agit plus seulement de documenter, mais aussi de garantir l’intégrité des informations recueillies et la sécurité de toutes les parties impliquées, y compris les auteurs présumés », souligne Constantin Alimasi, chargé de programmes au sein du réseau local.
La MONUSCO, à travers le BCNUDH, accompagne par ailleurs les défenseurs dans la durée en leur apportant un mentorat continu ainsi qu’un appui logistique, juridique et financier. Un soutien psycho-social, médical ou judiciaire est également proposé aux victimes de violations, en fonction des besoins.
À l’issue de cette formation, les participants sont repartis non seulement renforcés, mais également pleinement conscients de leur responsabilité : mettre leurs acquis au service des droits humains et des populations par des actions concrètes.