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« Seules les enquêtes judiciaires permettront de qualifier les crimes » commis par les ADF dans l’Est de la RDC

Des soldats de la paix bangladais en patrouille dans la région de Roe, en territoire de Djugu, en Ituri. Photo MONUSCO/Force

Au cours d’un échange en ligne avec des journalistes de Beni, dans le Nord-Kivu, le Directeur du Bureau Conjoint des Nations-unies aux droits de l’Homme (BCNUDH), Abdoul Aziz Thioye, a expliqué que «seules des enquêtes judiciaires permettront de déterminer avec exactitude» les crimes commis par les membres du groupe armé connu sous le nom de Forces démocratiques alliées (ADF),  «de qualifier ces crimes et d’en traduire les auteurs» en justice.

Il commentait ainsi le rapport publié lundi 6 juillet dernier par son bureau, concernant les atteintes et violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par des combattants des ADF et des membres des forces de défense et de sécurité dans les territoires de Beni au Nord-Kivu et de l’Irumu et Mambasa en Ituri, entre le 1er janvier 2019 et le 31 janvier 2020.  

Ce rapport souligne que «les attaques du groupe armé ADF peuvent constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre».

Semer la terreur pour marquer les esprits

Au cours de ce briefing, Abdoul Aziz Thioye a d’abord expliqué aux journalistes le processus de production de ce rapport, avant de revenir sur son contenu. Il a mis en exergue la capacité de nuisance des ADF qui, malgré les opérations militaires en cours, continuent à opérer, autant à l’aide d'armes à feu que d'armes blanches, telles que les haches et les machettes, avec ce que cela crée comme «violences inouies».

Leur objectif est clairement de «semer la terreur pour marquer les esprits» et de remettre en cause l’efficacité des opérations militaires soutenues par la MONUSCO, qui ont permis de démanteler la plupart de leurs bases, a expliqué M. Aziz Thioye.

Dispersés grâce aux opérations militaires, les ADF évoluent actuellement le long de la route nationale numéro 4 (RN4) et dans les territoires d’Irumu et Mambassa en Ituri, où ils continuent à terroriser  les populations.

Le directeur du BCNUDH a aussi souligné le fait que les attaques  concernent toutes les communautés ethniques même si certains groupes sont plus affectés que d’autres.

Restaurer l’autorité de l’État

Avant de répondre aux questions des nombreux journalistes assistant à cet échange, le directeur du BCNUDH, Abdoul Aziz Thioye, a fait quelques recommandations, au nombre desquelles se trouve la lutte contre l’impunité, en renforçant les structures judiciaires locales.

Il a aussi relevé la possibilité d’accorder des réparations aux personnes affectées, et de les prendre en charge psychologiquement du fait qu'elles sortent traumatisées par toutes ces violences. 

Selon lui, «la restauration de l’autorité de l’État dans les zones affectées par les attaques» constituera aussi un gage de sécurité pour les populations déplacées que la communauté internationale doit aider à retourner chez elle.

Il importe aussi, affirme Abdoul Aziz Thioye, de «revisiter» les mécanismes d’alerte précoce pour rendre efficace la protection des civils et empêcher les attaques; mais également créer un dynamisme régional de démobilisation et de rapatriement des combattants étrangers à travers un programme DDRRR.

Les auteurs des violations des droits de l’homme ne devraient pas bénéficier d’un processus regional de de démobilisation et de rapatriement (DDRRR).

« Mais cela ne doit pas être fait au détriment de la Justice, car ceux qui sont auteurs des violations des droits de l’homme ne devraient pas bénéficier d’un tel processus », a-t-il précisé.

Répondant à la question d’un journaliste, le directeur du BCNUDH a expliqué les raisons de l’extradition en 2015 de Jamil Mukulu, chef de ce groupe armé, vers l’Ouganda au lieu de la RDC après son arrestation en Tanzanie.

Selon le directeur du Bureau Conjoint des Nations-unies aux droits de l’homme, c’est le «critère de nationalité» qui a prévalu, car la RDC et l’Ouganda avaient tous deux fait une demande d’extradition.

Mais, va-t-il rajouter, la «justice militaire congolaise est en train d’utiliser le canal de la justice régionale pour bien représenter le Congo lors de ce procès», actuellement en cours en Ouganda. Et cette coopération Judiciaire entre les deux pays devrait permettre de « s’assurer que justice sera bien rendue aux populations congolaises ».