Un membre du Club des Amis de Radio Okapi (CARO) de Walikale, dans le Nord-Kivu, écoutant les nouvelles du 21 février 2012. MONUSCO/Sylvain Liechti
« Radio Okapi, dont la Rédaction centrale était à Kinshasa, avait installé des rédactions en zones rebelles, notamment à Goma et à Kisangani. En même temps, elle diffusait aussi en ondes courtes pour atteindre le Congo profond et les différentes milices et rebellions opérant en forêt. »
Léonard Mulamba, à la retraite aujourd’hui, a dirigé la rédaction de Radio Okapi de 2008 à 2015. Il était présent en 2002 au lancement de ce media atypique qui s’était donné la mission d’informer le plus impartialement possible les habitants d’un pays dont des pans entiers étaient occupés par des forces rebelles.
Une radio professionnelle pour permettre aux Congolais de se parler, de discuter, de s’informer et de s’aimer … même à distance.
Des « serviteurs » engagés
Tina Salama, actuelle porte-parole du chef de l’Etat congolais, en a également été témoin.
Journaliste, animatrice et productrice à Radio Okapi entre 2002 et 2019, elle a souvent reçu l’échos d’une tranche d’animation à priori banale sur la grille de programmes : « Dédicaces ». Le principe est simple : un auditeur, ou une auditrice, écrit ou appelle la rédaction et dédie une chanson à des personnes qui lui sont chères.
« Les familles étaient séparées par la guerre. Il y avait de nombreux déplacés de guerre. Des membres d’une même famille qui vivaient éloignés les uns des autres avaient, grâce à Radio Okapi, l’occasion de se dédier des chansons pour se rappeler des souvenirs et se soutenir mutuellement », explique aujourd’hui Tina Salama.
Bien avant les Accords politiques (Accord de Sun City en 2002 et Accord global et inclusif en 2003), Radio Okapi a tenté, à sa manière, de réunir à nouveau les Congolais. Grâce à une information vérifiée, recueillie et traitée par des journalistes professionnels.
Rosalie Zawadi en fait partie. Tous les jours, micro et carnet en main, elle arpente les rues de Goma et les environs de la grande mégalopole de l’Est du pays pour réaliser des reportages.
Ces derniers mois, elle a vu affluer des milliers de familles qui ont fui les combats dans les territoires de Nyiragongo et Masisi.
« Autour de nous dans la ville de Goma, nous vivons avec des déplacés. Des personnes qui avaient leurs domiciles, leurs revenus, leurs ressources et qui se retrouvent là […] et qui vivent désormais dans des conditions presque inhumaines », relate la journaliste.
C’est à ces personnes que Rosalie Zawadi tend son micro. Et quelques fois, des miracles se produisent.
« Récemment, raconte-t-elle, nous avons parlé d’une femme qui vivait avec des orphelins dans un camp de déplacés. Un reportage qui est passé sur Radio Okapi. Quelques jours après, lorsque nous sommes revenus au camp, le responsable nous a dit qu’un orphelinat de Bukavu est venu récupérer tous les enfants orphelins. Ça fait chaud au cœur. Malgré le fait qu’on soit entouré par un océan de détresse, il y a des petites lueurs. »
« La Voix des Sans voix »
Pepe Lisungi est un auditeur qui écoute la radio depuis son lancement en février 2002. Il se définit lui-même comme un « fidèle parmi les fidèles» de RO comme il l’appelle familièrement.
« Si la Radio Okapi compte dix auditeurs au Congo, je suis l’un d’eux », dit-il dans un rire sonore.
Depuis Kisangani où il écoute cette radio « même en marchant », il mesure son indéniable impact.
« Radio Okapi dit tout haut ce que le petit peuple pense tout bas. Et même s’ils sont souvent sourds à nos revendications, nos dirigeants se sentent quelques fois obligés d’y répondre quand ils entendent la radio les relayer dans ses journaux. C’est la Voix des sans voix », commente Pepe Lisungi.
Force est de reconnaître qu’en vingt-deux ans d’existence, Radio Okapi est devenue un véritable « bien public » pour la République Démocratique du Congo. Elle appartient désormais au patrimoine national, comme en témoigne l’attachement de ses auditeurs présents sur l’ensemble du territoire congolais.
Chaque semaine, des millions d’auditeurs écoutent la «Radio de la paix». Des magazines emblématiques comme « Paroles aux auditeurs » et « Dialogue entre congolais » ont fait école. D’autres organes ont repris le modèle d’émissions. Les journaux en langues nationales diffusées en matinée et en soirée informent les Congolais dans les quatre grandes zones linguistiques du pays.
A l’heure du numérique, outre ses programmes radiophoniques, Radio Okapi informe également son public par le biais de ses plateformes (son site Internet et les médias sociaux : Facebook, Instagram, YouTube, X – anciennement Twitter, LinkedIn). Ces réseaux sociaux participent à maintenir le lien que la Mission souhaite garder avec les jeunes, même si Radio Okapi essaye déjà de les attirer avec un programme de deux heures du lundi au vendredi.