Bienvenue aux Nations Unies

Lyne Gaelle Kom : ‘’Le lien entre les violences basées sur le genre et les abus et exploitation sexuels est évident’’

A l’occasion d’un atelier de renforcement des capacités des membres des groupes de travail sur la protection contre les violences basées sur le genre (VBG) et la problématique de l’exploitation et des abus sexuels (EAS) qui s’est tenu les 30 et 31 octobre 2019 à Bangui avec l’appui de la MINUSCA, la responsable chargée des VBG au sein de l’ONG italienne ‘’Intersource’’, Lyne Gaelle Kom, revient sur le travail des humanitaires dans le domaine.

 

Quel lien pouvez-vous faire entre les VBG et les EAS ?

 

Lyne Gaelle Kom :  Le lien entre les violences basées sur le genre et les abus et exploitation sexuels est évident. À la base, il s’agit d’une violation des droits des personnes. Ensuite, intervient la dynamique de pouvoir, du fait du rapport de force inégal (force physique, force financière, position d’autorité, environnement, etc.) qui entraine une absence de consentement de la victime.

 

À quoi peut-on résumer votre rôle en tant que point focal sur le plan national du Réseau sur la protection contre l’exploitation et l’abus sexuels (PEAS) ?

 

Le rôle du point focal peut être assigné soit à un membre du personnel existant, soit à un nouveau membre du personnel pouvant être spécialement recruté pour le mener à bien. Personnellement, je suis chargée de définir au quotidien les stratégies d’intervention en matière de prévention concernant les VBG. J’ai également la responsabilité d’assurer l’intégration du Genre dans les interventions de la mission.

 

Vous supervisez près d’une dizaine de points focaux à travers la RCA, à quelles difficultés sont-ils confrontés dans l’exercice de leurs missions ?

 

Dans le travail que nous faisons, il y a énormément de barrières liées à l’accès aux services. Les défis sont nombreux. Nous pouvons les regrouper en plusieurs catégories. 

D’abord la barrière géographique, du fait de l’enclavement de certaines zones. Je prends l’exemple de Yalinga dans la Haute-Kotto, où une femme violée peut mettre jusque deux jours pour atteindre Bria, le chef-lieu de Préfecture, afin de pouvoir bénéficier d’une prise en charge. 

Ensuite, la barrière sécuritaire, car nous voulons atteindre les bénéficiaires des zones reculées, mais parfois à cause de la situation sécuritaire volatile, nous n’y arrivons pas.

Puis vient la barrière en termes de communication. En effet, sur le terrain, des réseaux d’alerte précoce ainsi que des comités de protection ont été mis sur pied. Malheureusement, le mauvais état, voire l’inexistence du réseau téléphonique dans certaines zones rend la communication difficile, voire impossible. Il se passe parfois un mois avant qu’un incident nécessitant une prise en charge rapide ne soit rapporté.

Enfin, la barrière culturelle. C’est un grand défi, car les obstacles sont liés à certaines considérations sur les violences sexuelles. Par exemple j’ai voulu comprendre un jour pourquoi un rapport était arrivé 72h après les faits. Il se trouve que la victime avait peur du regard de la société, car l’origine de son violeur l’empêchait de se marier avec un autochtone. La stigmatisation est partout, des femmes se rendant au champ se font violer, mais ne peuvent s’en ouvrir à leurs époux de peur d’être stigmatisées par la communauté.

 

Quelles réponses apportez-vous à ces barrières ?

 

La sensibilisation est le moyen que nous utilisons le plus. Avec l’aide des leaders communautaires et des autorités locales, nos comités locaux de protection organisent des séances de sensibilisation de masse où nous informons toutes les populations. On a également des séances sectorielles et de porte-à-porte où nous rencontrons par exemple les groupements de femmes ou de jeunes filles, ou encore les jeunes hommes et ceux plus âgés. Nous discutons de ces barrières et apportons la vraie information en ce qui concerne certains usages ou mythes en vigueur.

 

Il n’y a certainement pas que des obstacles. Quelles réussites pouvez-vous partager avec nous ?

 

Nous sommes fiers de donner l’exemple de la Nana Gribizi où nos partenaires sur le terrain ont dépassé le simple fait de constituer des relais communautaires et se sont transformés en activistes. Certains groupements de femmes ont d’ailleurs pris l’initiative d’organiser des marches de sensibilisation ; d’autres ont même négocié et obtenu des passages sur les ondes des radios communautaires afin de faire passer nos messages.

Un autre succès est le transport des victimes dans les contrées reculées et dont le pronostic vital est engagé, depuis leurs zones vers les services de prises en charge. À cet effet, nous avons signé des partenariats avec les associations de mototaxis et même des propriétaires de bicyclettes. Et les choses marchent très bien. Il s’agit là d’une phase pilote menée toujours dans la Nana Gribizi et que nous travaillons à dupliquer dans les autres préfectures dans un futur proche.