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Ituri : 235 enfants sortis des groupes armés depuis début 2022 avec l’appui de la MONUSCO

Les enfants récupérés par CPS/MONUSCO sont mis à la disposition de l‘UNICEF pour leur prise en charge, leur réunification et leur réinsertion dans la communauté. Photos MONUSCO

La section Protection de l'enfant (CPS) de la Mission onusienne en RDC a révélé mardi 13 septembre 2022 à Bunia, en Ituri, avoir appuyé le retrait de 235 enfants des groupes armés dans cette province. Ces enfants étaient détenus dans les rangs des groupes armés depuis janvier 2021. 

CPS a fait cette révélation à l’occasion d'un atelier de deux jours sur la validation du plan opérationnel de Démobilisation, Désarmement et Réinsertion pour enfants. Ce plan prévoit entre autres la mise en place de clubs d’écoute pour enfants, d’espaces des amis des enfants ou encore de familles transitoires pouvant servir de lieux d’accueil temporaire pour les enfants démobilisés.  

L’atelier - qui a réuni plusieurs partenaires de la protection des droits des enfants, les acteurs étatiques, les FARDC, la PNC et les agences des Nations Unies (UNICEF, UNHCR) et CPS MONUSCO - avait ainsi pour but d’impliquer tous ces partenaires dans les efforts pour la reddition des enfants qui sont encore dans la brousse afin de leur permettre de rejoindre la vie civile et de jouir de leurs droits à l'éducation.  

Les ONG de défense et de protection des droits des enfants qui ont participé à cet atelier demandent au gouvernement de faire pression sur les leaders des groupes armés favorables au processus de paix afin qu’ils libèrent tous les autres enfants qu’ils détiennent pour leur réinsertion dans la vie civile. 

Réinsérer les enfants dans la communauté 

« La place d’un(e) enfant n’est pas dans un groupe armé ou dans une armée, mais plutôt en famille ou à l’école », estime Jean Muzama, responsable de la section Protection de l’enfant à la MONUSCO à Bunia. « Parfois, c’est après des combats entre l’armée et des miliciens que nous récupérons ces enfants. D’autres fois, c’est à l’auditorat militaire que nous allons les chercher pour les remettre à l’UNICEF qui se charge alors de leur réunification [avec leurs familles]. Notre mandat, c’est aussi de récupérer les enfants qui s’échappent d’eux-mêmes des groupes armés. Une fois que nous les récupérons, nous procédons à des screenings, des interviews et autres vérifications, pour nous assurer que ce sont réellement des enfants… Ce travail implique que nous discutions avec les groupes armés, avec tous les risques que vous pouvez imaginer », a-t-il expliqué. 

Les enfants récupérés par CPS/MONUSCO sont mis à la disposition de l‘UNICEF pour leur prise en charge et leur réunification et leur réinsertion dans la communauté. Selon Jean Muzama, il y aurait encore entre 30 et 40% d’enfants au sein des différents groupes armés qui endeuillent la province de l’Ituri. 

Une situation qui impacte négativement les communautés parmi lesquelles sont recrutés ces enfants. Certains sont forcés d’adhérer à ces milices au titre de « l’effort de guerre » imposé à leurs parents par les groupes armés qui leur font croire qu’ils prennent les armes pour défendre leurs communautés.  

D’autres enfants y vont par mimétisme, en suivant leurs camarades, faute d’occupation et d’opportunité d’encadrement social. D’autres encore sont enrôlés pour des raisons économiques : l’appât du gain. « Les nombreux vols de bétail lors des incursions de miliciens, les pillages et autres rackets perpétrés par les rebelles rapportent du butin aux enfants qui trouvent là un moyen de se nourrir », confie une source anonyme. 

Un plan consolidé et adapté aux besoins du DDR-enfants 

Ainsi, dans presque tous les villages dans les territoires de Djugu, Irumu, Mambasa, Mahagi et Aru, des jeunes et enfants sont contraints de rejoindre les groupes armés pour gonfler leurs effectifs. Le paradoxe est que les communautés dont sont issus ces enfants deviennent elles-mêmes victimes de la violence et des exactions de leurs propres enfants utilisés par ces mêmes groupes armés. 

Le plan opérationnel de Démobilisation, Désarmement et Réinsertion pour enfants (DDR-enfants) se veut un outil, mieux, un guide adapté au cadre opérationnel DDR-enfants qui tient compte des capacités et opportunités des réponses aux besoins de démobilisation des enfants en Ituri. 

Il s’agit d’un outil important dans la mesure où il permet aux acteurs de travailler de manière commune face à deux problématiques dont la première est liée à l’aspect communautaire et la deuxième à la stabilisation. 

Il permet aussi d’identifier les acteurs et leurs capacités en termes, par exemple, d’agents formés pouvant faciliter la sortie d’enfants des groupes armés, mais aussi d’opportunités en termes de structures de prise en charge psycho-sociale pour les victimes des violences sexuelles (dont des écoles, espaces de jeux, familles d’accueil…) présentes dans les différentes zones pour recevoir et s’occuper des enfants après leur sortie des groupes armés.  

Enfin, ce plan est un guide consensuel qui trace avec précision la cartographie de tous les acteurs impliqués dans le DDR-enfants, leur rôle et le circuit de référencement dans chaque territoire et en ville pour la prise en charge et la réinsertion socio-économique des enfants sortis des groupes armés. 

La MONUSCO, à travers la section Protection de l’enfant, joue un rôle important dans le processus de séparation et retrait des enfants au sein des groupes armés avant et pendant la phase de démobilisation proprement dite des membres des groupes armés. Elle organise des discussions bilatérales, tantôt avec les commandants des groupes armés pour les sensibiliser à libérer sans conditions les enfants qui sont au sein de leurs groupes, tantôt avec des leaders communautaires pour l’accueil et l’acceptation de ces enfants.  

Globalement, la MONUSCO s’emploie à ce qu’il y ait zéro enfant au sein des différents groupes armés à travers le changement de comportement de ces derniers à ne plus recruter les enfants dans leurs rangs. 

Entre cauchemars et traumatismes, une lueur d’espoir… 

Heureux de retrouver la liberté et une vie « presque normale » à la sortie de cet « enfer », ces enfants libérés des groupes armés ne boudent pas leur plaisir d’avoir “quitté la mort”. Parmi les nombreuses « histoires à succès » de ces enfants sortis des groupes armés (en 2008), il y a celle d’Eric (prénom d’emprunt pour des raisons de sécurité). Il a pu aller à l’école jusqu’à obtenir un diplôme universitaire. Marié, père de deux enfants, il est aujourd’hui membre du personnel d’une des organisations qui encadrent et accompagnent les enfants sortis des groupes armés à Bunia. Il se dit fier de contribuer à la réparation de ces enfants qui ont échappé à la mort… 

Cependant, tous n’auront peut-être pas cette même chance. Selon des témoignages de leurs encadreurs, beaucoup font des cauchemars la nuit, d’autres présentent des signes d’agressivité. D’autres encore sont victimes d’incontinence urinaire du fait des traumatismes subis. 

C’est aussi l’occasion de jeter un regard sur le travail remarquable que font ces agents sociaux et acteurs de protection qui, jour après jour, dans les centres de transit et d’orientation (CTO), œuvrent aux cotés de ces enfants pour leur réapprendre parfois des gestes simples de la vie courante.  

Ici, ces enfants passent environ trois mois, avant d’être réunifiés avec leurs familles, bien sûr après évaluation des risques dans la communauté avec leurs parents. C’est ainsi qu’en amont un travail préparatoire est effectué par ces agents sociaux (psychologues et autres assistants sociaux) pour évaluer les risques de protection par rapport à la présence des groupes armés aux représailles de la communauté elle-même. Ensuite, il y a l’étape de sensibilisation pour l’acceptation de ces enfants par la communauté avant leur réinsertion sociale pour un retour apaisé et prévenir la stigmatisation qui serait un nouveau facteur de leur retour au sein des groupes armés.