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Bangassou et Rafai : dans une situation aussi difficile, il faut éviter les manipulations, dit le Commandant de la Force

Dans une interview accordée à Guira FM, ce lundi 12 mars 2018, le commandant de la Force de la MINUSCA, le Général Balla Keita, fait le point de la situation sécuritaire qui prévaut dans le Sud-Est de la Centrafrique, notamment dans les préfectures de Mbomou et Haut-Mbomou (Sud-est) qui sont en proie à un regain de violence. Il aborde aussi le départ annoncé des Casques bleus gabonais de la Mission, précisant le caractère volontaire que revêt la participation des pays au maintien de la paix de l’ONU.

Depuis un certain temps, beaucoup de rumeurs circulent sur la situation sécuritaire à Rafai, faisant état d’attaques ou de prises de cette ville… que peut dire la MINUSCA à propos de la situation qui prévaut dans cette localité ?

 Le pays est dans une situation sécuritaire difficile. Pendant que l’on admet qu’il y a des problèmes, il ne faut pas qu’il y ait, dans le même temps, des manipulations. Il y a effectivement eu des violences à Rafai, mais l’on ne peut pas dire que « Rafai est tombée », comme on a pu le lire ou l’entendre çà et là. En fait, notre base opérationnelle temporaire est située à Agoumar, et non à Rafai. Entre ces deux localités, il y a un fleuve. L’opérateur du bac n’étant plus à Rafai, il a fallu héliporter des éléments du génie afin qu’ils ramènent le bac de Rafai pour  permettre aux troupes de traverser le fleuve et contrôler la situation à Rafai. Mais la situation est tout à fait maîtrisée au niveau de cette localité. Il s’agissait d’éléments qui étaient venus pour des raisons que l’on ignore pour l’instant et qui sont entrés en confrontation avec les groupes d’autodéfense qui étaient sur place. Ces éléments sont partis depuis lors. La situation est sous contrôle. Personne n’a pris Rafai. Les populations qui ont quitté la ville peuvent y retourner tranquillement.

Nous avons donné une mission supplémentaire à nos troupes, à savoir être beaucoup plus vigilantes par rapport à toute action qui partirait de l’Est en direction de Bangassou.

Au fait, que se passe-t-il exactement à Bangassou ?

Cela fait plus d’un an qu’une situation difficile a été créée à Bangassou, aussi bien pour la MINUSCA (rappelez-vous que nous y avons perdu plus de 12 casques bleus), que pour les humanitaires, les populations civiles et même les autorités locales. Il y a un problème avec ces éléments dénommés « groupes d’autodéfense » au niveau de Bangassou. Il faut qu’on ait l’honnêteté de comprendre cela et de travailler avec l’ensemble des autorités centrafricaines pour régler ce problème.

L’impression que l’on a, en effet, est que la situation à Rafai a eu une conséquence négative sur la performance de la Mission à Bangassou : les populations se soulèvent, il y a un mécontentement général… Pouvez-vous nous éclairer sur l’action des Casques bleus pour répondre aux attentes des populations ?

Il ne faut pas, dans une situation qui est déjà compliquée, que l’on s’adonne de la manipulation de l’opinion pour des intentions inavouées. Cela fait un an qu’il y a un problème à Bangassou. Cela n’a rien à avoir avec Rafai. Lorsque les tueries de Yongofongo ont été perpétrées, Rafai était tranquille. Il ne faut pas faire de propagande. A Bangassou, il y a des gens qui veulent à tout prix tuer sur une base ethnique ou religieuse Et cela est un crime contre l’humanité. La communauté internationale a dit que le nettoyage ethnique ou religieux est un crime. On ne l’a accepté nulle part dans le monde, on ne le fera pas ici parce que c’est contraire aux règles humanitaires. Il faut qu’on trouve la solution dans un monde civilisé où l’on règle les problèmes sans s’entretuer. Maintenant ceux qui veulent tuer coûte que coûte, il faut qu’ils soient neutralisés. Nous allons déployer des troupes nécessaires, en liaison avec les autorités centrafricaines. Les FACA sont en train de se préparer pour nous accompagner comme ils l’ont fait sur d’autres théâtres d’opérations comme Bocaranga ou encore Paoua. Nous irons ensemble en progressant pour que revienne la vie normale qui existait avant le conflit à Bangassou.

Au moment où surviennent ces différentes crises en RCA, l’on apprend que le Gabon veut retirer ses troupes de la MINUSCA. Quel commentaire en faites-vous ?

Cela complique, certes, la situation, mais comme vous le savez, il en est toujours ainsi dans toute activité humaine : il y a des hauts et des bas. Nous sommes organisés en tant que communauté internationale pour intégrer toutes ces dimensions. Le Gabon a pris une décision murie et légitime. Personne ne les a forcés à venir, aussi, personne ne peut les forcer à rester. Selon les raisons qu’ils ont données, ils ont fait comprendre qu’ils ont mouillé le maillot suffisamment et que maintenant, quelqu’un d’autre devrait peut-être venir les remplacer. Nous allons travailler avec les autorités gabonaises pour que ce retrait se fasse sans pour autant impacter le travail que nous sommes en train de faire sur le terrain. Ce, notamment, en attendant que leurs troupes soient remplacées par un autre pays et qu’ils repartent tranquillement chez eux. Cela ne nous effraie pas, parce qu’il y a toujours des difficultés pour lesquelles il faut simplement que nous nous organisions.

Justement, la MINUSCA attend des troupes additionnelles…

Exactement, nous attendons des troupes additionnelles. Comme vous le savez, le maintien de la paix n’est pas chose facile. Les pays se décident à venir aider. Ce ne sont pas des mercenaires, car on ne les paie pas. Ils apportent leur aide à leur rythme et on ne peut pas leur imposer des choses. Il faut qu’on le comprenne. Les autorités à New-York sont en train de tout faire pour que ces troupes puissent venir très rapidement, ce qui va nous permettre de stabiliser les situations de crise qui se développent dans certaines parties de la Centrafrique. Parce que, qu’on le veuille ou non, il va falloir avoir du monde. L’on ne peut faire de la sécurisation sans troupes. Nous avons essayé de faire notre maximum, et nous avons atteint notre limite. Le Conseil de sécurité de l’ONU a accepté ce fait, et décidé de nous renforcer. Nous attendons donc ces renforts pour que nous puissions faire ce que nous avons planifié. Je pense que cela ne devrait plus tarder.

 

FIN